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léon dumont.de l’habitude

mais cela ne suffit pas pour qu’il y ait actuellement idée. Il faut qu’une excitation quelconque vienne ajouter son mouvement momentané aux mouvements de nutrition ou autres dont ces mêmes éléments étaient déjà les sujets. L’idée est la résultante de cette combinaison, et elle peut arriver jusqu’au moi conscient, si d’autres conditions sont encore remplies. Quand nous ne pensons plus l’idée, elle n’existe plus même à l’état latent ; mais il y a seulement une de ses conditions qui reste permanente, et qui sert à expliquer comment, avec le concours d’autres conditions, la même pensée peut se renouveler. D’un autre côté, cet élément permanent peut entrer en combinaison avec des excitations diverses et, dans chaque cas, donner naissance au réveil d’idées différentes. Nous ne pouvons par conséquent partager l’opinion de ceux qui prétendent que dans le cerveau, il y aurait autant de cellules que d’idées et expliquent l’intermittence par cette hypothèse que tantôt certaines cellules seraient excitées et tantôt ne le seraient pas. Une seule et même cellule peut être l’organe de mille pensées différentes. Chacune a sa conformation propre, déterminée par toutes les actions dont elle a subi antérieurement l’influence et par toutes les nécessités d’adaptation qui lui ont été imposées ; cette conformation persiste à travers tous les mouvements de nutrition et de réparation, qui d’ailleurs sont réglés par elle ; suivant cette même conformation, elle se trouve douée d’un mouvement déterminé au sein de la cohésion cérébrale ; mais à chaque instant d’autres mouvements communiqués par les cellules voisines, viennent s’ajouter à ce mouvement fondamental, et l’idée jaillit de la combinaison.

À proprement parler, la mémoire conserve seulement un des éléments d’une idée ; pour que l’idée même soit reproduite, il faut qu’un complément d’énergie vienne s’y ajouter. En attendant, l’élément conservé peut entrer dans la reproduction d’autres idées. Ainsi le renouvellement d’un fait habituel intermittent suppose la réunion de deux conditions : d’une manière d’être permanente qui est l’habitude proprement dite, et d’une excitation qui la complète. À ces deux conditions nous pouvons en ajouter une troisième qui est la condition de nutrition ; cette condition joue ici le même rôle négatif que dans l’acquisition et la conservation des manières d’être. Si les matériaux réparateurs sont insuffisants, l’excitation ne peut produire son effet. On a constaté que la vigueur de la mémoire dépendait du degré de richesse du sang ou de l’énergie de la circulation. Quand le sang n’arrive au cerveau que pauvre ou peu abondant, les souvenirs deviennent vagues, et l’on voit dans des cas de prostration extrême, des personnes anémiques oublier où elles sont et