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analyses.stadler. Téléologie de Kant

en organisés et inorganiques : elle n’est plus par suite qu’une application des plus importantes, sans doute, de la finalité formelle.

La dialectique du jugement téléologique est mieux traitée que l’analytique : les paragraphes 70, et 73 à 76 sont peut-être les meilleurs de la critique du jugement. Il n’y a pas contradiction entre la maxime de l’entendement qui commande d’expliquer mécaniquement tous les phénomènes de la nature, et celle du jugement qui nous fait une loi de recourir aux causes finales dans l’étude des organismes : car ce ne sont que deux maximes régulatives, qui répondent bien à des besoins de notre pensée, mais ne nous permettent de rien affirmer sur la nature des choses. M. Stadler répond victorieusement, en s’inspirant non-seulement de la doctrine, mais des textes précis de Kant, aux objections dirigées par Herbart et Trendelenburg contre la théorie des deux maximes régulatives. Kant ne veut pas, ainsi qu’on le prétend, que l’explication téléologique nous dispense de pousser aussi loin que possible l’explication mécanique des organismes : ce serait encourager la paresse ou la précipitation. Il ne croit pas davantage que les lois du mécanisme souffrent la moindre exception ; et que l’action des causes finales puisse jamais se substituer ou faire obstacle à celle des causes efficientes. « Sans le mécanisme, dit-il, les êtres organisés où l’on continuerait de voir des fins de la nature, cesseraient d’être les produits de la nature. » Mais il maintient que la finalité se concilie avec le mécanisme. Il va même plus loin. Ce n’est pas seulement un rapport de coordination qu’il établit entre les deux principes : à la façon de Leibniz, il n’hésite pas à subordonner le mécanisme à la finalité. Notre entendement considère le mécanisme « comme l’instrument employé par une cause agissant suivant un dessein, par une cause dont la nature réalise les fins tout en obéissant à ses lois mécaniques. »

Kant n’admet pas pour cela l’hylozoïsme ; il s’élève avec force contre l’abus qu’on est toujours tenté de faire du concept de force dans l’explication de la nature. Sa téléologie conduit directement à la négation du vitalisme. Une force agissant sans conscience, mais en vue d’une fin, n’est pas une donnée de l’expérience, et doit être sévèrement bannie de la science. Si nous tenons absolument à faire une hypothèse, pour nous expliquer l’activité organique, bornons-nous à supposer l’action d’un être intelligent : « non pas que, comme le vénérable Mendelsshon et d’autres l’ont cru, nous soyons en état de démontrer que l’activité organique ne peut dériver d’une autre cause. » Il semble, malgré cette condamnation du vitalisme, que Kant soit adversaire de toute explication mécanique de la vie, si l’on en juge par les éloges qu’il donne à Blumenbach dans la critique du jugement, et par certains passages du petit essai sur « l’usage des principes téléologiques en philosophie » ; et l’on s’explique ainsi, le jugement sévère de Haeckel, qui considère la téléologie de Kant, « comme une construction manquée de la base au sommet. » Mais des passages très-significatifs ne permettent pas de s’arrêter à cette première impression. Qu’on rapproche des textes cités pré-