Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/314

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
306
revue philosophique

manière de voir ; mais ici encore, son principe vaut mieux que les applications qu’il en fait.

Nous arrivons enfin à l’analyse de la deuxième forme de la finalité, la finalité objective. C’est, à vrai dire, la finalité au sens habituel du mot, le règne des causes finales dans la nature, surtout dans le monde des êtres vivants. Si la doctrine de Kant sur la finalité ainsi entendue n’a pas exercé toute l’influence qu’elle aurait dû, cela tient en grande partie à la confusion qui règne dans le langage et les divisions de la critique du jugement téléologique. M. Stadler fait très-bien ressortir ces défauts de la troisième critique, surtout pp. 112 et 121 de son livre.

La finalité objective remonte la série des causes dans l’explication d’un fait, et transforme le nexus effectivus en nexus finalis, c’est-à-dire qu’elle fait du résultat produit par les causes efficientes le principe même de l’action de ces causes, et du tout idéal la cause de la production des parties qui constituent le tout réel. Comme elle explique des objets réels, des produits de la nature, des individus vivants, et ne s’applique plus comme la finalité formelle à des rapports abstraits entre les individus, on voit pourquoi le nom de finalité objective lui est habituellement donné dans la critique du jugement : il est vrai que c’est plutôt encore pour la distinguer de la finalité esthétique que de la finalité formelle. — La finalité objective se manifeste dans les êtres vivants, avons-nous dit : mais qu’est-ce que l’être vivant ? Pour Kant, c’est un corps organisé, qui se distingue des corps inorganiques par trois caractères : la faculté de se reproduire, celle de se développer, et la corrélation de ses parties. Mais de ces caractères, le troisième convient à des corps inorganiques, au cristal par exemple. Tous les corps vivants, d’ailleurs, ne sont pas composés de parties. Les savants et les philosophes semblent d’accord aujourd’hui pour voir des individualités distinctes et vivantes dans les monères, dans les organismes unicellulaires, dans les cellules même. Enfin le développement organique et la reproduction sont regardés par les modernes embryogénistes comme des variétés de la nutrition. La science actuelle inclinerait donc à caractériser la vie par une seule fonction, par la nutrition, ou la faculté de s’assimiler les matériaux du dehors. Mais ce travail, qu’il soit accompli par un organisme unicellulaire ou par un système d’organes, suppose toujours un consensus de toutes les parties de la matière vivante : la définition de Kant reste donc vraie dans son fonds essentiel.

Le rôle de la finalité objective dans l’explication de la vie ainsi déterminé, il faut démontrer que ce principe est vraiment transcendental, c’est-à-dire qu’il a l’universalité et la nécessité d’une règle à priori. Cette « Déduction » qu’on attend dans l’analytique du jugement ne s’y rencontre pas. M. Stadler entreprend de combler cette lacune, en rattachant le principe de la finalité objective à celui de la finalité formelle, dont la déduction est faite dans l’introduction à la critique du jugement. La finalité objective nous permet de classer les êtres, en les divisant