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ne cède-t-il pas à une préoccupation semblable, lorsque, des passages où Kant, dans sa polémique contre Forster, insiste sur le rôle du mécanisme, il conclut que « le concept de fin n’est en vérité pour Kant qu’une ombre vaine, qu’un principe sans fécondité, etc. ; et qu’on peut bien affirmer que Kant serait le premier à rejeter le principe de la finalité, si on lui montrait le moyen d’expliquer les êtres organisés d’après les pures lois de la mécanique. »

Sans doute la pensée de Kant est que l’expérience vraiment scientifique (Erfahrung) n’atteint sûrement que les phénomènes matériels ; et que nous ne devons recourir à la finalité qu’au défaut ou dans l’intérêt des explications mécaniques. Mais il croit non moins fermement qu’au fond et dans la réalité des choses tout doit et peut s’expliquer à la fois mécaniquement et téléologiquement. Malheureusement la science complète, celle qui embrasserait les choses à ce double point de vue, dépasse les limites de l’entendement humain. Il est prudent de nous en tenir dans le détail des phénomènes aux données de l’expérience, c’est-à-dire du mécanisme. Mais, bien loin que le mécanisme supprime la finalité comme principe général dans l’explication des choses, Kant affirme expressément, par la doctrine, capitale dans toute sa philosophie, du Primat de la Raison pratique, que le mécanisme n’est dans la nature que l’instrument de la finalité morale..

Nolen.

Stadler. — La téléologie de Kant et sa valeur comme théorie de la connaissance. — Kant’s Teleologie und ihre erkenntnisstheoretische Bedeutung. (155 p., Berlin, 1874.)

L’étude de M. Stadler sur la téléologie de Kant se divise en quatre parties. La première présente à grands traits l’esquisse de la théorie de l’expérience telle qu’elle est contenue dans la Critique de la Raison pure. La seconde expose le principe général du jugement téléologique dont la troisième et la quatrième analysent successivement les deux formes essentielles : la « finalité formelle » (formale Zweckmässigkeit) et la « finalité objective » (objective Zweckm.)

Dans la Ire partie, M. Stadler ne fait, comme il le dit lui-même, que résumer les conclusions de la savante étude de M. Cohen[1]. « L’expérience, » dont Kant s’attache exclusivement, dans la première de ses Critiques, à déterminer les conditions, à mesurer les limites, n’atteint que des phénomènes et des lois. Les premiers constituent l’élément matériel ; les secondes, l’élément formel de la connaissance expérimentale. L’esthétique transcendentale analyse les uns ; la logique transcendentale, les autres. L’esprit de l’homme ne saisit dans les Phénomènes (Erscheinungen) que ses propres sensations, ramenées, à l’aide des

  1. Kant’s Theorie der Erfahrung. 1871.