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analyses.schultze. Kant et Darwin

cependant qu’une suite nécessaire de la même cause, qui manifeste ailleurs sa fécondité dans beaucoup d’autres effets non moins remarquables. » — Le besoin de s’attacher en toute chose à l’explication la plus simple fait également adopter à Kant la doctrine de l’épigenèse, qui soutient la préformation générique, mais non individuelle des êtres dans leurs ascendants ; et voit dans l’individu engendré un véritable produit {Product) et non pas seulement un simple extrait (Educt) de ses parents. Il rejette aussi bien la théorie de l’emboîtement des germes, quoiqu’elle ait en sa faveur Malpighi, Leibniz, Haller et Bonnet, que la doctrine plus grossière des occasionalistes.

L’écrit de 1766, « Songes d’un visionnaire éclairés par les songes des métaphysiciens, » au milieu d’une spirituelle et incisive critique des conceptions de la psychologie rationnelle, renferme des considérations intéressantes sur la prédominance légitime du mécanisme dans l’explication de la nature, et sur l’analogie étroite qui relie entre eux et les différents règnes et les espèces différentes. « En appeler à des principes immatériels (dans l’étude de la nature), c’est l’artifice d’une philosophie paresseuse. Il faut éviter autant que possible les explications de ce genre et appliquer dans toute leur étendue les principes des sciences naturelles qui reposent sur les lois mécaniques de la pure matière, parce que seules ces lois permettent d’entendre pleinement les phénomènes (allein d. Begreiflichkeit hig fäsind) ». Mais de ce que les règles du mécanisme sont notre seul guide assuré dans l’étude des faits physiques, il ne suit pas de là que la nature entière ne soit qu’un pur mécanisme. Au contraire, nous devons supposer que la vie s’y étend beaucoup plus loin que nos sens ne savent la découvrir. « Jusqu’où la vie s’étend-elle, et par quels degrés confine-t-elle à la matière absolument inanimée, c’est ce qu’il sera peut-être à jamais impossible de déterminer avec certitude. » Le règne animal ne se relie-t-il pas au règne végétal par des transitions insensibles ?

Dans l’article très-bref qu’il fit paraître en 1771 à propos de l’écrit de Moscati sur la différence de structure des hommes et des animaux, ce n’est plus seulement l’animal et la plante, c’est l’animal et l’homme que Kant rattache l’un à l’autre par une étroite analogie. « Quelque paradoxale que soit au premier abord l’opinion du docteur Italien (Moscati), elle doit à l’analyse d’un philosophe aussi pénétrant de paraître presque complètement certaine. M. Moscati nous montre que le premier soin de la nature a été d’assurer la conservation de l’individu et de l’espèce chez l’homme envisagé comme animal ; et que, dans ce but, la position qui est commandée à l’homme par la structure interne « de son organisme, par la position qu’occupe le fœtus dans le sein maternel, et le besoin de protéger son développement contre tout danger, est la position horizontale que gardent tous les animaux à quatre pattes. Mais la nature a déposé aussi dans l’homme un germe de raison, qui, en se développant, le rend capable de vivre en société, et qui le pousse à prendre et à conserver la position la mieux appro-