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phénomène se partage en deux actes. Mais, dans tous les cas, tout se ramène, pour lui, à une excitation volontaire qui tantôt est dirigée vers les centres sensoriels (aperception), tantôt vers les centres moteurs (volition proprement dite). « L’aperception et l’impulsion motrice ne sont donc que des formes diverses de l’excitation volontaire. Voilà pourquoi elles sont si intimement enchaînées et pourquoi, dans certaines circonstances, elles coïncident. Un fait physiologique qui jusqu’ici restait une énigme, parce qu’on séparait la sensation de la réaction volontaire, s’éclaire d’une lumière inattendue. On sait que les parties antérieures du cerveau sont très-probablement le point de départ des mouvements volontaires, tandis que les centres sensoriels seraient principalement dans les régions postérieures des couches cortiales[1]. D’un autre côté, on ne peut guère douter que les plus hautes fonctions de l’esprit ne soient partout liées au développement du cerveau antérieur. Tout ceci se comprendra, si nous remarquons que ce foyer de l’innervation volontaire doit à la fois gouverner les centres sensoriels, déterminer le mouvement et l’aperception des impressions. »


VI. Le dernier groupe de recherches dont il nous reste à parler diffère des précédents. Il s’agit ici, non plus de la durée des perceptions actuellement ressenties, mais du temps nécessaire pour reproduire dans la mémoire des perceptions passées.

En fait, une délimitation absolue entre le domaine des perceptions actuellement produites et des perceptions reproduites est impossible : car, aux états de conscience évoqués par les impressions sensorielles s’adjoignent des souvenirs dus à des impressions antérieures qui tantôt les complètent, tantôt s’en distinguent. Du reste, en étudiant précédemment la perception des impressions qui sont attendues et prévues, nous avons vu que la reproduction y joue un rôle et qu’elle se mêle intimement au phénomène de la perception actuelle.

L’expérience montre qu’en général le temps nécessaire pour la reproduction d’un état de conscience est plus long que le temps nécessaire pour sa production. Cependant cet énoncé général, pour être exact, a besoin d’être complété par quelques remarques.

La mémoire peut se représenter l’intervalle de temps entre deux perceptions comme plus grand ou comme plus petit qu’il ne l’est en

  1. Il s’agit ici des expériences récentes sur les localisations cérébrales commencées par Fritsch et Hitzig et poursuivies par d’autres observateurs, principalement Ferrier, dans ses Recherches expérimentales sur la physiologie et la pathologie cérébrales.