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Th. ribot.durée des actes psychiques

On peut donc conclure « que la durée de la volition dépend principalement des connexions physiologiques existant entre les centres nerveux sensitifs et les organes moteurs qui réagissent. » Quand la réaction est favorisée par le mécanisme du système nerveux et l’habitude, le retard porte sur l’aperception. Dans le cas contraire, c’est la durée de la volition qui joue le principal rôle.


IV. Jusqu’ici on n’a fait agir sur le sujet qu’une impression unique. Voyons ce qui va se produire lorsqu’à côté de l’impression principale qui doit être enregistrée et dont on connaît la nature et l’intensité, on en fait agir une autre, afin de fatiguer l’attention.

Prenons d’abord deux impressions de même nature. Wundt emploie une cloche que frappe un petit marteau. Il enregistre les impressions suivant la méthode ordinaire. Puis, à l’aide de l’instrument employé pour cette expérience, il produit un bruit continu, celui d’une roue dentée qui heurte un fil métallique et il constate les différences.

I. Son modéré

sans un son simultané 0,189
avec.................0,313

II. Son fort

sans un son simultané 0,158
avec.................0,203

Le retard du temps physiologique est évident. Il se produit de même quand les deux impressions sont de nature différente :

Étincelle électrique

sans un son simultané 0,222
avec un son simultané 0,300

On a tout lieu d’admettre que, dans le cas des sensations disparates, le trouble de l’attention est plus grand. On sent du moins plus de difficulté à réagir correctement ; on éprouve un sentiment pénible, une sorte d’embarras.

Une autre façon de conduire l’expérience amène à un résultat curieux. Avec l’impression principale, on en fait agir une autre qui est simultanée, antérieure ou postérieure[1]. L’observation montre que la succession interne de nos perceptions peut ne pas correspondre à la succession externe des excitations : en d’autres termes, une excitation qui, en réalité, est postérieure à une autre peut être perçue comme antérieure. L’observation intérieure ne laisse aucun doute sur la cause de cette illusion : elle est due à l’état variable d’effort de l’attention. Quand l’effort est faible, cela n’a jamais lieu ; mais

  1. L’expérience peut être faite soit avec deux impressions de même nature, soit avec deux impressions différentes.