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BERKELEY

SA VIE ET SES ÉCRITS

Il n’y a pas de commençant à qui le nom de Berkeley ne soit très-familier et qui ne croie très-bien connaître ses doctrines. Toutefois quand on les connaît, ce n’est point d’après leur auteur, mais d’après ce que d’autres en ont dit ; aussi la majorité de ceux qui croient les connaître, n’en ont-ils qu’une idée informe, et se font-ils de leurs principaux traits des opinions erronées. Nul, parmi les penseurs qui ont écrit sur la philosophie, n’a surpassé Berkeley dans l’art d’exprimer clairement ce qu’il voulait dire, et d’en distinguer tout ce qui n’était pas son opinion ; et pourtant il n’y a pas de penseur qu’on ait mis plus de persévérance à ne pas comprendre, ou qui ait été victime d’une ignoratio elenchi plus obstinée ; ses nombreux adversaires se sont consacrés à la tâche de démontrer ce qu’il n’avait jamais nié, et de nier ce qu’il n’avait jamais affirmé. Si les personnes qui s’intéressent à la philosophie ou à son histoire, attirés par les facilités que nous devons aux travaux du professeur Fraser, se mettent à étudier les œuvres de Berkeley telles qu’elles sont sorties de son esprit, nous croyons qu’on le reconnaîtra pour un des plus grands génies philosophiques parmi tous les penseurs qui dès les temps les plus reculés ont appliqué leurs facultés à la métaphysique ; et pourtant au nombre de ces grands génies nous comptons Platon, Hobbes, Locke, Hartley, Hume, Descartes, Spinoza, Leibnitz et Kant. En effet, par quelque grands services que ces penseurs aient favorisé les progrès de la philosophie, de quelque importantes contributions que la plupart d’entre eux aient enrichi son trésor de vérités positives, il n’en est point qui ait fait, comme Berkeley, trois découvertes de premier ordre, chacune suffisant à opérer une révolution en psychologie, et capables par leur union de déterminer, à partir de ce moment, le cours de la spéculation philosophique. Ces découvertes, ajoutons-le, ne sont pas comme