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LE NOMBRE NUPTIAL

DANS PLATON




I


I. Il y a au livre VIII de la République de Platon, une phrase, — un locus mathematicus, — célèbre par son obscurité, et pour laquelle il n’a pas été donné jusqu’à présent, que nous sachions, d’interprétation complète.

Socrate vient de tracer la forme idéale de gouvernement, qui offrirait, d’après lui, la perfection, en tant du moins qu’on peut rêver de la réaliser ici-bas ; il va maintenant parler des diverses formes réelles des États, et montrer en même temps, pour mieux faire saisir le caractère véritable de chacune de ces formes, comment se font les changements de l’une à l’autre. Et tout d’abord, il admet que son gouvernement parfait lui-même doit, à la longue, finir par s’altérer, par dégénérer en une forme inférieure. Il s’agit d’expliquer la cause de cette inévitable évolution. Faisant allusion au début de l’Iliade[1] :

« Veux-tu, « dit-il à Glaucon, qu’à l’exemple d’Homère, nous invoquions les Muses, que nous les priions de nous dire la première origine du désordre ? Qu’à la façon des tragiques, nous leur donnions la parole ? Qu’elles badinent et nous traitent comme des enfants avec lesquels on joue ? Qu’elles tiennent plutôt un langage sérieux et élevé ? »

« Comment cela ? » demande Glaucon.

« Voici ce qu’elles pourraient dire. — Certes, il est difficile d’ébranler un État constitué de la sorte ; mais tout ce qui naît doit mourir. Cette constitution ne peut donc durer éternellement ; elle périra et comment périra-t-elle ? Pour tout ce qui naît sur la terre, plantes attachées au sol, animaux se mouvant au-dessus, il y a fécondité et infécondité de l’âme et des corps, d’après des révolutions de temps faisant concorder, pour les différents êtres, diffé-

  1. Platon. Édition Didot, vol. II, p. 144, 30-145, 19.