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sont différents de ceux des doigts. Une sensation, une idée, l’électricité, un acide ou un alcali, peuvent servir d’excitants, mais toujours la réaction a son caractère spécial. Il y a, par contre, des excitants qui agissent puissamment sur certains muscles et qui sont sans influence sur d’autres. Les muscles des yeux, ou les cordes vocales se meuvent sous l’influence d’impulsions qui laissent les muscles biceps et masseters immobiles. L’hypoglosse de la grenouille, suivant M. Marey, n’a besoin de se contracter que dix fois par seconde, pour que ses mouvements deviennent tétaniques, tandis que vingt contractions sont nécessaires pour amener un état tétanique des muscles gastrocnémiens. Si nous comparons la susceptibilité exquise des muscles des ailes d’un insecte qui se contractent huit ou dix mille fois en une seconde, avec les mouvements les plus rapides de nos yeux, nous voyons comment la grandeur et la structure d’un muscle, non moins que ses connexions organiques jouent un rôle important dans la détermination de son caractère spécifique. Cela nous sert à comprendre pourquoi le nerf optique, qui a un appareil terminal particulier, répond aux excitations délicates des ondes éthérées, et non aux excitations plus grossières des ondes de l’air, et pourquoi ce même nerf optique ne répond aux excitations des ondes de l’éther que par l’intermédiaire de son appareil terminal. Les différentes connexions terminales des divers nerfs, à la périphérie et au centre, expliquent les différences sensibles qui existent entre les sensations par lesquelles ces nerfs répondent. Chacun d’eux a ainsi un mode de réaction spécifique qui dépend de ses conditions organiques.

Il nous reste encore à expliquer deux faits importants : le premier, que tout stimulus, interne ou externe, capable d’exciter la névrilité d’un nerf ou la sensibilité d’un centre nerveux, reçoit pour seule réponse la sensation spécifique que l’excitation normale produirait ; le second, que les sensations se produisent d’une manière anormale, même après la destruction de la partie périphérique des nerfs. Un coup sur l’œil déterminera les sensations de couleurs dans l’obscurité la plus profonde ; un nerf optique peut être atrophié, la rétine peut être détruite, le malade peut néanmoins éprouver des sensations vives de couleur. Il en est de même pour les autres sens. C’est sur ces faits que Müller fondait sa croyance que les aveugles et les sourds de naissance devaient avoir des sensations de couleur et de son, produites par des excitations internes. Cela peut être, mais je ne pense pas que cela soit ; et si cela est, ce ne peut être que par un mode de réaction acquis par héritage. Il est aussi improbable qu’un centre nerveux qui n’a jamais été excité d’une manière