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« La sensation de son est l’énergie ou la « propriété » particulière au nerf acoustique, la sensation de lumière et de couleur est celle du nerf optique — et de même pour les autres nerfs des sens. La sensation de son se produit quand un nombre donné de vibrations excitent le nerf acoustique dans un temps donné : mais le son, tel que nous le percevons, est une chose toute différente d’une succession de vibrations. Les vibrations d’un diapason qui donnent à l’oreille l’impression de son, produisent dans les nerfs du toucher la sensation de chatouillement ; il est donc nécessaire qu’il y ait quelque chose de plus qu’une vibration pour produire une sensation de son, et ce quelque chose est possédé par le nerf acoustique seul. »

La dernière phrase n’est pas équivoque. Elle attribue au nerf ce qui est évidemment l’effet composé d’un mécanisme complexe. Cependant il semble qu’il serait impertinent de rappeler à Müller ce qu’il connaissait aussi bien que qui que ce soit, à savoir que le nerf optique seul nous fournit la preuve que nous possédons « ce quelque chose de plus que la vibration » qui est nécessaire pour produire la sensation de lumière ; il savait très-bien que le nerf optique est indifférent aux excitations des mouvements de l’éther, aussi bien qu’à celles des vibrations de l’air ; pour qu’une sensation de lumière se produise le nerf optique doit : 1o être excité par la rétine ; 2o transporter cette excitation jusqu’au centre sensoriel. Müller savait aussi et il l’avait très-bien constaté, que le nerf optique peut être complétement détruit, et que néanmoins le malade peut avoir des sensations lumineuses. Puisque nous ne pouvons supposer que Müller ait oublié ces faits, il est intéressant pour nous de voir comment il les conciliait avec son hypothèse. Voici comment il constate la difficulté :

« On ne sait pas si la cause de l’ « énergie » spécifique de chaque nerf des sens réside dans le nerf lui-même, ou dans les parties du cerveau ou de la moëlle épinière avec lesquelles ce nerf est en connexion ; mais il est certain que les parties centrales des nerfs qui sont contenues dans l’encéphale, sont susceptibles d’éprouver leurs sensations particulières, indépendamment des portions plus périphériques des cordons nerveux qui servent de moyen de communication avec les organes externes des sens. La sensibilité spécifique des différents sens à des excitations particulières, doit être une propriété des nerfs eux-mêmes ; mais le mode particulier de réaction de chaque sens après l’excitation de son nerf peut être dû à deux conditions. Ou bien les nerfs eux-mêmes communiquent des impressions de qualités différentes au sensorium, qui est partout le même, ou bien les vibrations des éléments des nerfs, bien que les mêmes dans tous les nerfs, donnent lieu à la perception par le sensorium de sensations