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l’exposé critique des systèmes. Ici donc, l’élément historique entre comme condition et partie intégrante de la science elle-même. « Chercher la base de l’esthétique dans l’histoire même de cette science » tel est le but. Cela est tout à fait hégélien. En effet, pour Hegel, on le sait, l’histoire de la science prise dans son ensemble fait équation avec la science, et l’histoire de la philosophie est la démonstration de la philosophie. Dans la succession des systèmes se reproduit la succession des idées. Chaque moment du développement de l’idée y est représenté. Seulement ce qui est vrai de la science dans son ensemble ou de la métaphysique, l’est-il de chacune de ses parties ? Pour une science aussi jeune que l’esthétique en particulier, peut-on se hasarder à prendre une telle opinion pour guide ? M. Schasler le croit et toute son histoire repose sur cette donnée fondamentale. Nous n’insisterons pas. On voit combien cette œuvre est systématique. Ainsi, aux yeux de l’historien, chaque époque, chaque grande école, chaque système devra reproduire un des moments de la conception de l’art et du beau. L’histoire de l’esthétique donnera ainsi « la conscience de l’idée esthétique. » C’est ainsi que l’entend M. Schasler. Pour qu’on ait une idée plus claire de son procédé et de la manière dont il en use, nous citerons comme exemple sa division générale qui partout se reproduit jusque dans les plus petits détails de cette histoire. Fidèle à la loi du ternaire, il la partage toute entière et chaque époque en trois temps, qui répondent à trois points de vue ou à trois manières de concevoir le beau : 1o l’intuition, 2o la réflexion, 3o la spéculation. Ainsi Platon dans l’antiquité représente l’intuition, Aristote la réflexion, Plotin la pensée spéculative : il en sera de même de l’esthétique moderne, de Baumgarten, de Kant, Hegel, etc.

Nous ne nous arrêterons pas à discuter cette méthode, ni à examiner s’il en peut sortir une esthétique nouvelle. Mais, à coup sûr, elle ne peut que fausser son histoire. Nous aurions ici une foule de critiques à faire à celle-ci. Nous aimons mieux insister sur les mérites de cet ouvrage. Malgré ses défauts et le faux emploi de cette dialectique, cette histoire n’est pas moins une œuvre savante, très-instructive et d’un haut intérêt. L’exposition des doctrines et leur interprétation sont faites avec un soin, une clarté et une intelligence supérieurs et qui laissent peu à désirer. On reconnaît partout un esprit des plus distingués, très-versé dans les matières qu’il traite, très-capable de faire comprendre et d’apprécier les théories qu’il expose. Sa critique, quoique souvent exclusive et d’une excessive sévérité, n’est pas moins élevée, sagace et pénétrante, et toujours, au point de vue philosophique, d’un vif intérêt. La partie dogma-