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vain proteste-t-il, au début, de ses dispositions bienveillantes et presque sceptiques[1]. Son intention peut être sincère ; mais il est loin de tenir sa parole. Il a son critérium, que partout il applique. Son opinion, qu’il émet très-nettement, est que l’esthétique n’est et ne sera une science qu’autant que le beau et l’art, son objet, seront cherchés dans la forme et uniquement dans la forme. C’est la conclusion de toute cette histoire. Celle-ci est le point de départ et la base d’un autre livre, l’Esthétique comme science formelle (v. supra), qui est au premier comme la synthèse est à l’analyse.

Dans son histoire, pourtant, il consent à reconnaître qu’il y a des vérités dans tous les systèmes, et il cite la phrase de Leibnitz (p. xii). Mais, dans l’application, on ne s’en aperçoit guère. Il faut que tous les systèmes passent sous les fourches caudines de l’herbartisme. On conçoit combien un point de vue aussi étroit doit nuire à l’exposition elle-même des doctrines. Aussi c’est une justice à rendre à l’auteur de ce livre, qui d’ailleurs témoigne d’une étude consciencieuse et complète, comme d’un savoir étendu et d’une érudition peu commune, qu’il se croit obligé d’exposer avec soin et d’une façon sérieuse les doctrines et les théories qu’il n’approuve pas ; ce qui rend son travail très-utile à consulter et lui assure une valeur réelle. L’ensemble offre une suite de recherches étendues et bien faites. Mais, à chaque pas, l’exposé seul des théories dément la pensée de l’historien et déborde de toutes parts le principe qui sert à les juger. Le dernier chapitre sur l’Esthétique Herbartiste suffirait à le démontrer.

4o L’ouvrage de M. Schasler est conçu dans un esprit beaucoup plus large et plus élevé. Nous nous retrouvons ici en face de la philosophie hégélienne, M. Schasler est un disciple de Hegel, disciple indépendant sans doute ; mais quoiqu’il fasse de très-grandes réserves sur la méthode et sur le fond de la doctrine, il n’est pas moins hégélien. Il admet le principe de cette philosophie. Quant à la méthode dont il conteste la portée, il cherche à la mettre d’accord avec les exigences du réalisme, et à combiner la dialectique à priori avec l’expérience et l’induction. Nous n’avons pas ici à juger les idées qu’il émet à ce sujet, ni les résultats qu’il propose au commencement et à la fin de son livre[2]. Cette nouvelle histoire de l’esthétique est-elle une véritable histoire ? La réponse est déjà dans le titre même et le dessein de cet ouvrage. L’histoire y est donnée comme base (Grundlegung) d’une esthétique nouvelle qui doit venir à sa suite. Ses premiers linéaments sont tracés au début et à la fin de

  1. Vorrede, p. xii.
  2. Vorwort. Abschnitt I, 111.