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musique et de la poésie[1], de curieux et utiles aperçus. Mais c’est plutôt aux esprits indépendants, qu’il faut s’adresser. Il en est qui sans s’asservir au principe, mais s’attachant surtout au côté matériel et formel, tels que Zeising dans ses Recherches esthétiques[2] et son traité des proportions du corps humain, ont publié des écrits qui conservent une haute valeur scientifique et philosophique. Tous ces travaux, où la technique de l’art occupe une grande place, et où l’on trouve en abondance des observations psychologiques, physiques et physiologiques, méritent l’attention et l’estime des amis de cette science.

Cette école a aussi ses historiens de l’esthétique (Lotze, Zimmermann), dont on parlera plus tard. En somme, de tous ces auteurs, je le répète, aucun n’est parvenu à construire une esthétique complète. Aussi, nous ne pouvons mieux conclure qu’en empruntant à l’historien de l’esthétique allemande qui, lui-même, peut être, à plus d’un titre, classé dans cette école, le jugement qui termine son chapitre sur l’ensemble de ces travaux : « On doit suivre avec intérêt toutes ces recherches qu’inspire l’amour de la vérité, partager l’espoir de leur utilité pour la science ; mais parler d’une réforme de l’esthétique par Herbart, serait trop s’avancer. Les réformes ne consistent pas dans l’application d’un nouveau principe, mais dans sa démonstration par de nouvelles découvertes. Or, l’esthétique formelle travaille avec la matière que lui fournissent les grands travaux, et les vivantes recherches, souvent malheureuses mais beaucoup trop dépréciées, de l’esthétique idéaliste. » (Lotze. Gesch. der Æsthet. in Deutschland, p. 246).

Le réalisme s’est produit en Allemagne, sous une autre forme. Pendant plus de 30 ans, on le sait, Schopenhauer et sa doctrine sont restés obscurs et oubliés. Depuis, ils ont obtenu une vogue et une popularité qu’expliquent aussi en partie le discrédit et l’abandon de l’idéalisme. Et toutefois, ce nouveau système, qu’est-il à son tour, sinon un naturalisme doublé d’idéalisme, où à l’empirisme et au matérialisme des derniers disciples de Locke et de Condillac (Cabanis, Bichat, etc.), viennent s’ajouter le platonisme, le kantisme, le spinosisme, sans compter les emprunts à peine déguisés, faits aux derniers philosophes que l’auteur a tant de fois injuriés et bafoués, Fichte, Schelling, Hegel ? Comme système, cette conception est aujourd’hui sévèrement jugée. Ce composé hybride de pièces de rapport assez mal ajustées, n’est pas moins l’œuvre d’un penseur original et

  1. Ambros. Über die Grenzen… Prag. 1856.
  2. Æsthetische Forschungen. Francfurt, 1852. Neue Proportional-Lehre des menschlichen Körpers, 1872.