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On connaît le principe de la philosophie de Herbart. Disciple de Kant en un point fondamental de sa doctrine, il n’admet comme lui, comme objet réel de la connaissance humaine, que les phénomènes. L’être en soi (le noumène) lui paraît inaccessible à notre intelligence. Les seuls êtres que nous puissions connaître sont les individus, qui composent le monde réel, et les rapports entre ces individus. Ces rapports que la science étudie et que la philosophie systématise, constituent la forme de la connaissance.

Ainsi le fond des choses, la substance nous échappe ; les rapports seuls et la forme des objets, voilà l’objet véritable de la science. La théorie esthétique est conforme à la théorie métaphysique. Le beau réside uniquement dans la perception des rapports qui unissent les objets, et dans les formes qui expriment ces rapports. L’idée, la matière, le contenu ou le sujet de l’objet beau est indifférent. Il y a des objets qui nous plaisent par leur forme ou leurs rapports, d’autres qui nous déplaisent par la raison contraire. Il n’y a même pas à se poser cette question : pourquoi ils sont beaux ou laids, ni à vouloir s’en rendre compte. Ils sont tels parce qu’ils sont tels et que ces rapports immédiats sont invariables. La science du beau consiste à étudier ces rapports et ces formes, à analyser les sentiments et les jugements qui y correspondent, à les coordonner en système. Toute l’esthétique herbartiste repose sur ce principe qui doit s’appliquer à toutes les formes du beau dans la nature et dans l’art et à tous les arts. Elle prend le nom d’esthétique formelle et, comme le dit un de ses adeptes (Zimmermann), c’est une sorte de « morphologie du beau[1]. »

Nous ne nous arrêterons pas à faire ressortir ce qu’il y a de faux, surtout d’étroit dans ce principe ni à montrer pourquoi il n’en peut sortir une véritable science du beau et une philosophie de l’art. Nous aimons mieux indiquer les services que cette école a rendus en s’attachant au côté vrai de ce principe, et mentionner quelques-uns des travaux les plus utiles dont elle a enrichi l’esthétique.

Son mérite principal, on l’a dit, c’est de réintégrer un élément essentiel, trop négligé par l’idéalisme, et qui joue un rôle très-important dans l’art, la forme et tout ce qui tient à la forme. Telles sont les lois qui président à la symétrie, à la proportion, à l’harmonie, les règles de la composition dans les œuvres d’art. Tout ce qui est relatif au nombre, au mouvement, ce qui est physique et physiologique, l’action des objets sur les organes, la part qui revient à l’exercice des sens dans la perception du beau ou les lois de l’ima-

  1. Allgemeine Æsthetik als Formalwissenschaft. Vienn. 1865, p. 30.