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L’esthétique de Vischer, malgré tous ses mérites, a-t-elle fait faire un pas nouveau à la science du beau et à la philosophie de l’art ? Nous ne le pensons pas ; du moins, dans l’ensemble et comme système, si elle dépasse ou développe en beaucoup de points celle de Hégel, comme celle de Weisse, elle reste très-inférieure pour la richesse des détails et des aperçus. On a pu dire avec raison que dans l’essentiel, celle-ci n’a pas été dépassée (V. Schasler, Gesch. der Æsth., p. 1014.).

Tels sont les ouvrages principaux que nous offre l’école hégélienne sur cette branche de la philosophie. Avant de la voir reparaître plus tard sur le même terrain sous une autre forme et avec de nouvelles tendances, nous devons interroger les autres écoles.


II


Nous n’avons pas à insister sur les côtés faibles de l’idéalisme ni à montrer comment ils devaient amener une réaction de la part du réalisme. Celui-ci, son antagoniste naturel, n’a jamais manqué de profiter de ses excès, de le combattre et de signaler ses défauts à toutes les époques. Il suffit de les rappeler. C’est d’abord la méthode de construction à priori, qui non-seulement a le pas sur l’expérience, mais prétend se la soumettre et la plier à ses desseins ; c’est la confiance exagérée dans cette méthode et la valeur de ses formules ; l’emploi d’une dialectique subtile qui partout s’impose d’une façon absolue et, sans tenir compte des faiblesses de l’esprit humain, se donne comme représentant, dans ses procédés, la marche nécessaire des choses et les lois de la raison éternelle ; un formalisme étrange, hérissé de termes nouveaux souvent vides et inintelligibles, à l’aide desquels on fait subir aux idées toutes les transformations possibles, l’on croit lever toutes les contradictions. Quant aux résultats de cette méthode, le principal qui renferme ou entraîne tous les autres, est ce qui, dans le système, s’appelle pompeusement « la victoire ou le triomphe de l’idée. » Autrement dit, c’est l’absorption de l’individu et du particulier dans le général, et du général dans l’universel. La conséquence nécessaire est l’anéantissement de la personnalité et de la liberté, de ce qui fait tout le prix et la valeur morale de la vie des peuples comme des individus. Ces conséquences se reproduisent partout dans la morale, le droit, l’histoire, la religion, etc. Vainement on cherche à les éluder et à les déguiser ; elles sont trop manifestes pour ne pas frapper tous les yeux.