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de mysticisme théologique ; ce qui a valu à cette secte de semihégéliens le nom de théosophes de la part des hégéliens purs, adversaires déclarés de cette tendance, à leurs yeux antiphilosophique et tout à fait étrangère à la science.

L’esthétique de Weisse n’en est pas moins une œuvre remarquable et reconnue comme telle par ceux-là mêmes qui repoussent le plus dédaigneusement sa doctrine particulière. Nous n’en pouvons donner qu’une idée très-superficielle et incomplète ; suffisante toutefois pour marquer sa place dans la suite de ces travaux, et montrer en quoi elle diffère de l’esthétique de Hegel en même temps qu’elle lui ressemble et la complète.

L’auteur s’est proposé, avant tout, de faire une œuvre scientifique, d’organiser un vrai système. De là le titre : « Système de l’esthétique comme science[1]. » Pour cela, il croit devoir employer dans toute sa sévérité la dialectique qu’il emprunte, il en convient lui-même (Préf. VII), à Hegel, mais en faisant ses réserves, celles qui ont été dites plus haut, en déclarant que cette méthode ne peut atteindre à la vérité suprême. Ainsi, sa doctrine est à la fois fille et adversaire (Tochter und Gegnerin) de celle de Hegel. Mais alors toute savante et rigoureuse qu’elle paraît être et veut être, cette méthode sera-t-elle autre chose qu’un formalisme qui s’impose à la science sans pénétrer à sa partie intime, et sans la féconder ? Quoi qu’il en soit, le livre sort du double travail de ces deux facteurs, l’un qui donne la forme scientifique, l’autre le fond, l’élément suprême et vital. Le fond en effet, c’est ce qui nous paraît le meilleur. Les idées élevées, profondes, originales, se trouvent enfouie dans ce traité. Les successeurs qui l’ont critiqué eux-mêmes s’en sont emparés ; ou ils n’ont pu le dépasser sans compter avec elles. Ce qui caractérise, surtout à nos yeux, ce livre et le distingue de celui de Hegel, c’est que toutes les grandes questions de métaphysique générale qui, si elles ne font défaut chez Hegel, sont à peine par lui indiquées ou ne sont qu’accidentellement traitées, sur l’idée du beau, du sublime, du laid, du comique et du tragique ; l’analyse des facultés et des sentiments qui sont la partie psychologique de cette science tels que l’imagination, le génie, l’amour du beau, etc., trouvent ici une place étendue et sont abordées directement dans la proportion convenable. Sous ce rapport l’esthétique de Weisse comble une lacune énorme laissée par Hegel. À notre sens, la forme et la méthode par lesquelles cette œuvre diffère de celle de Hegel et qui lui donnent un appareil plus scientifique lui ont plutôt nui que servi. Cette dialectique étroite et

  1. System der Æsthetik als Wissenschaft. Leipsig, 1850.