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ANALYSES. — gœring.Ueber die menschliche Freiheit.

« la comprend immédiatement. Mais tous deux sont libres et peuvent avoir la conscience de leur liberté ; seulement le second en fait un rapide usage, le premier a la liberté comme possibilité de s’instruire. En outre, la liberté peut être à peu près comme perdue… » Parlant de la liberté sans la capacité, il ajoute : « On en appelle en vain à la liberté, elle ne sert à rien, ï pour agir selon l’idéal moral.

Ainsi les matérialistes renoncent à la nécessité en donnant les moyens de la modifier ; et les défenseurs de la liberté signalent des cas où elle est absente et comme perdue. Les premiers reconnaissent que celui qui, en un temps, est incapable de choisir, ne l’est pas toujours ; les seconds, que celui qui est libre n’est pas pour cela capable de choisir, tous par suite que la capacité de choisir est acquise.

Quand l’homme a acquis la faculté de la réflexion et du choix, ce n’est pas à dire qu’il l’exerce dans toutes les occasions ; les passions et les entraînements peuvent arrêter la délibération réfléchie. Comme l’égoïsme est le fond de la nature humaine, comme c’est l’éducation qui fait la responsabilité, nous n’admettrons pas avec Schopenhauer qu’on soit responsable de sa nature. C’est la culture intellectuelle qui fait que les actes d’un individu lui sont imputables. Par malheur, dans nos sociétés, la plupart des hommes ont une instruction suffisante pour être responsables devant la loi, mais non pour s’élever jusqu’aux exigences supérieures de la moralité véritable.

En résumé, l’auteur se pose deux problèmes qu’on confond le plus souvent, mais dont il regarde la distinction comme très-importante : l’homme est-il libre ? l’homme est-il responsable ? En se dégageant de toute considération morale, en se posant le problème avec un désintéressement scientifique, on ne peut définir la liberté que l’absence de toute contrainte. Savoir si l’homme est libre revient donc à savoir si l’homme peut agir sans être contraint par aucune cause extérieure ou intérieure. L’homme est-il soumis à une nécessité externe ? dominé par une fatalité, qui serait la loi suprême de la nature ? L’auteur démontre que l’homme n’est pis l’esclave du déterminisme absolu, en prouvant que ce déterminisme n’existe pas. Il distingue nettement la science (das Wissen) avec ses procédés rigoureux, de l’explication (Begreifen) a priori, avec ses hardiesses arbitraires et ses formules universelles, qui dépassent l’expérience. Dans ce chapitre, un des plus remarquables du livre, il s’approprie les belles analyses des psychologues anglais, en leur ajoutant quelque chose de la profondeur spéculative des philosophes allemands. Les pages qu’il emprunte à Avenarius nous ont surtout frappé. L’homme n’est pas compris dans un fatalisme universel, puisque ce fatalisme est affirmé sans preuves, mais n’est-il pas l’esclave d’un mécanisme intérieur ? Les défenseurs de la liberté le nient, mais le malheur est que leurs arguments ne prouvent rien. L’auteur est donc amené à chercher une solution nouvelle à ce problème, que tous les philosophes se sont posé successivement sans le résoudre. Il remarque dans l’homme deux puissances opposées : la