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P Liberatore est un scholastique. Nous avons affaire ici à un esprit indépendant qui accepte des autres telle doctrine qui lui semble vraie mais sans s’asservir à personne. Il ne faudrait pas croire non plus que notre auteur eût uniquement vécu avec les hommes du XVIIe siècle ; il connaît les contemporains ; il a lu les physiologistes, je n’oserais pas dire sans prévention mais avec curiosité ; il les discute avec impartialité.

Le style de l’ouvrage que nous étudions est très-net et très-clair. Peut-être les divisions, les subdivisions, en général les procédés de méthode, sont-ils marqués avec un peu trop de force. On sent le professeur qui craint toujours de n’être pas suivi ou d’être mal compris. C’est un défaut mais qui n’est que l’exagération d’une qualité.

T. V. Charpentier.

Karl Gœring : Ueber die menschliche freiheit und Zurech nungsfaehigkeit : eine kritische untersuchung, Sur la liberté humaine et la responsabilité morale. Leipzig, 1876.

M. Carl Gœring soutient que le problème de la liberté na pas été résolu parce qu’il a été mal posé. On a multiplié les difficultés, en confondant des questions qui doivent rester distinctes ; on a suivi des méthodes différentes, mais toutes également défectueuses puisqu’elles ne se fondaient pas sur « l’expérience, le seul principe d’une philosophie scientifique[1]. » L’auteur se sépare de ses devanciers sur deux points de la plus grande importance. Avant lui, on a toujours confondu les deux questions de la liberté et de la responsabilité, il évite cette erreur. Avant lui, on trouvait la preuve de la liberté dans une intuition directe de la conscience, ou dans un postulat moral et obligatoire. Ces arguments ne peuvent résoudre la question : l’impossibilité pou les philosophes de se convaincre les uns les autres suffit à le démontrer. L’auteur propose donc une méthode à la fois critique et empirique qui consiste à se rendre bien compte de ce qu’on veut établir par l’analyse des idées, et, le problème nettement posé, à le résoudre par l’observation de la réalité et par l’expérience.

Le concept de la liberté (Der Begriff der Freiheit). — Pour suivre sa méthode l’auteur doit d’abord déterminer avec précision ce qu’il faut entendre par liberté. Ce mot a reçu les interprétations les plus diverses et on l’emploie constamment dans la vie pratique, sans se préoccuper de sa signification exacte. Ludwig Knapp (Système de la philosophie du droit, p 196) a exprimé fortement cette incertitude : « Qu’est-ce que

  1. Système de philosophie critique par Carl Göring. Le texte est emprunté à l’annonce de ce livre dont la publication devait s’achever dans le courant de janvier 1877.