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sera l’âge où la charité rendra inutiles les revendications du droit, en même temps que la liberté rendra impossibles les usurpations de la force. » Acceptons cette généreuse espérance : mais soyons bien convaincus que si jamais se réalise ce beau rêve, c’est que la charité s’absorbera dans la justice et non la justice dans la charité. M. Fabre ne fera pas difficulté d’en convenir, lui qui a écrit : a Si l’amour est la grande force, c’est aussi le grand danger, dès que manque la justice, qui doit demeurer la grande règle. »

La dernière partie du volume, après quelques pages vraiment par trop insuffisantes sur le mahométisme, est consacrée à une étude sérieuse et bien faite de la scolastique platonicienne, de la scolastique péripatéticienne et du mysticisme au moyen-âge. Il faut savoir gré à l’auteur d’avoir insisté plus qu’on ne le fait généralement sur la philosophie des Arabes et des Juifs, en particulier sur les systèmes d’Averroès et de Maïmonide, de s’être longuement étendu sur les doctrines de saint Thomas d’Aquin, d’avoir rendu pleine justice au génie surprenant de Roger Bacon, dont beaucoup parlent, mais que peu connaissent, et aux théories du grand mystique Hugues de Saint-Victor qui est moins connu encore. M. Fabre montre aussi beaucoup d’admiration pour l’Imitation de Jésus-Christ, « livre qui à lui seul, dit-il, vaut mieux que plusieurs systèmes de philosophie. » Néanmoins il ne se dissimule pas les « énormes exagérations » qu’il y a dans cette œuvre. Mais un fait pour lui domine toutes les critiques : « L’auteur de l’Imitation, dit-il, opposant le cri de l’âme aux disputes de l’école, a montré que Dieu se rend sensible au cœur de qui le cherche simplement au dedans de soi-même après s’être purifié par la vertu. Or, de toutes les conceptions philosophiques la plus haute est bien celle-là. C’est la conscience qui nous ouvre les horizons du monde supra-sensible. La moralité est le meilleur acheminement à la vérité. » Cette conclusion résume mieux que de longs commentaires l’esprit dans lequel est écrite l’Histoire de la philosophie de M. Fabre . Le premier volume, malgré les lacunes que nous avons signalées, est en somme très-nourri, d’une inspiration généreuse, d’une lecture facile et agréable, conçu en dehors de tout esprit de système. Il est vrai, mais d’une vérité vivante, et qui n’a rien de banal.

Beurier.

L’abbé Duquesnoy. — La perception des sens opération exclusive de l’âme. 2 vol. in-12 de 404 et 280 p. Paris. Delagrave, 1877.

Ce livre est l’œuvre d’un esprit vigoureux, qui a cherché la vérité, qui croit l’avoir trouvée et qui expose sa pensée avec franchise, avec confiance, avec simplicité. Le sujet traité se résume dans cette proposition : « La connaissance la plus élémentaire de toutes, celle qui a