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drine par la théologie chrétienne, l’hellénisme de Julien ne devait paraître aux Galiléens qu’une sorte de grossier plagiat du christianisme ; les chrétiens y retrouvaient une triade, sinon une trinité ; un Dieu médiateur, sinon l’Homme-Dieu ; la condamnation de la matière et de la chair, sinon celle de la nature, la glorification de la charité, la pratique de l’abstinence et bien d’autres nouveautés dont il était trop facile de montrer le complet désaccord avec la vieille mythologie homérique. D’autre part, comment les païens restés par tradition ou par poésie fidèles au culte des anciens dieux, pouvaient-ils accepter la transformation des brillantes et lumineuses divinités de l’Olympe en symboles exclusivement philosophiques ? À l’ascétisme chrétien, il eût fallu opposer le culte, essentiellement grec, de la force et de la beauté, de la vie et de la lumière, en le couronnant par la morale stoïcienne. On se serait trouvé alors en face de deux conceptions bien tranchées de la nature et de l’humanité ; la lutte peut-être se serait établie, et quand elle n’aurait eu pour résultat que de forcer l’Église à se relâcher un peu de ses principes ascétiques, elle n’aurait pas été inutile. Julien était trop de son temps pour s’arrêter à ce parti ; malgré sa nature d’artiste, il a été entraîné par le courant de mysticisme théurgique qui emportait toutes les âmes. Son œuvre était condamnée d’avance : peut-être, avec plus de temps devant lui, aurait-il multiplié les conversions factices ; mais, de toute manière, ce n’était pas le Roi-Soleil qui pouvait détrôner le Christ. Bien que M. Naville n’ait pas développé cette conclusion, c’est celle qui se dégage nettement de son intéressant travail sur Julien l’apostat : nous croyons que c’est la vraie.

Beurier.

Joseph Fabre. — Histoire de la philosophie. Premier volume. Paris, librairie Germer Baillière, 1877.

Cet ouvrage comprendra deux volumes : le second, qui est sous presse et qui ne tardera pas à paraître, embrassera l’histoire de la philosophie depuis la Renaissance jusqu’à nos jours ; le premier, que nous venons de lire, est consacré à la philosophie ancienne et à celle du moyen-âge. Il présente de graves lacunes : ainsi Socrate, Platon, Aristote sont presque complètement sacrifiés, et, d’une manière générale, la partie métaphysique des systèmes est beaucoup trop laissée dans l’ombre. C’est là un défaut auquel il sera aisé de remédier dans une seconde édition : nous sommes persuadés que l’auteur, sans restreindre la place qu’il accorde aux périodes de transition et d’enfantement, aura à cœur de compléter son œuvre sur ce qu’il appelle « les points très-connus », points qui sont toujours l’objet de tant de controverses.