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boles des plus augustes vérités, il ne pouvait avoir que le plus profond mépris pour la secte des Galiléens. « À nous qui adorons les dieux, disait-il, appartiennent les sciences et la culture grecque. À vous, la déraison et la grossièreté. » Aussi se mit-il à les combattre avec une suprême ardeur et une foi invincible. Malgré la puissance dont il était investi, il montra dans cette lutte une rare tolérance, du moins pour son temps. Il aurait pu user de violence contre les chrétiens d’Antioche qui n’avaient pas eu assez de railleries contre sa barbe de philosophe : il préféra leur répondre par le Misopogon et mettre les rieurs de son côté. Il fit mieux : il gagna à sa cause les pauvres en défendant leurs intérêts contre les manœuvres des riches chrétiens qui avaient accaparé les blés. On n’a guère à lui reprocher que l’ordre de bannissement lancé contre Athanase, le patriarche d’Alexandrie, et le fameux édit qui interdisait aux chrétiens l’enseignement des lettres profanes. Y a-t-il rien là de comparable aux odieuses persécutions dirigées contre les païens par les empereurs chrétiens, et souvent inspirées par les évêques eux-mêmes ? à l’époque où ni sa vertu, ni sa sagesse n’ont pu préserver la belle Hypatie d’un meurtre odieux, l’exil d’Athanase est relativement un acte de clémence.

Quant à l’édit qui réservait aux seuls Hellènes l’interprétation des auteurs grecs, M. Naville montre très-bien qu’il est en parfaite harmonie avec la manière générale dont Julien comprend le christianisme. « Les deux religions en lutte, dit-il, s’appellent pour lui, l’une l’hellénisme, l’autre le galiléisme. L’une ne rattache, par ses origines et toute son histoire, à la civilisation la plus brillante, la plus raffinée que le monde ait jamais vue ; l’autre est née chez une peuplade inculte et barbare. Il faut que dans la lutte chacune apparaisse telle qu’elle est par nature, et n’ait pour combattre que ses propres armes. Le christianisme, au quatrième siècle, n’était plus, tant s’en faut, ce qu’il avait été à l’époque primitive. Il avait déjà fait dans la doctrine, dans la constitution, dans le culte, bien des emprunts à l’hellénisme. Julien, en général, n’en tient pas compte. Il ramène le christianisme à ses origines. Sa polémique est surtout dirigée contre la Bible. Il semble avoir pressenti que les emprunts faits par l’Église à l’hellénisme devaient lui faciliter la conquête du monde, et c’est pour prévenir ce résultat funeste qu’il cherche à ramener la situation relative des deux religions à ce qu’elle est en réalité dans sa pensée, l’opposition d’une culture raffinée et d’une grossière barbarie. » Telle est bien, en effet, la pensée de Julien. Il ne faut pas, dit-il lui-même, « qu’on nous perce de nos propres flèches, qu’on s’arme de nos écrits pour nous faire la guerre. »

On peut, avec M. Naville, grouper autour de trois chefs principaux ses arguments si variés contre le christianisme : il a combattu surtout en effet, le monothéisme de l’ancien Testament, le caractère novateur des doctrines chrétiennes, l’adoration des martyrs et de Jésus. D’après Julien, le monothéisme de Moïse est incapable d’expliquer la genèse des choses. Comment Dieu pouvait-il être sans intermédiaires l’origine