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proviennent des ressemblances des milieux et correspondent à ces ressemblances ; ceci est un effet de l’adaptation des organismes à leurs milieux. Supposons deux organismes entièrement semblables. Tant qu’ils seront placés dans les mêmes conditions d’existence, ils resteront semblables, mais si quelques-unes des conditions d’existence viennent à varier pour l’un d’eux, celui-ci s’adaptera par quelques-unes de ses parties aux nouvelles conditions qui lui sont faites ; par le fait de l’adaptation corrélative, les autres parties de l’organisme peuvent varier aussi, mais exerçant toujours les mêmes fonctions, elles ne cesseront pas de ressembler aux parties correspondantes de l’autre organisme. Les parties des deux organismes qui, au contraire, sont soumises à des influences tout à fait différentes, pourront, elles, différer considérablement.

Les ensembles d’influences auxquelles sont soumis les divers cerveaux humains étant semblables entre eux par beaucoup de points les cerveaux eux-mêmes ayant entre eux beaucoup de ressemblances, il en résultera que parmi toutes les incitations faites par les divers milieux sur les divers cerveaux humains au moyen des nerfs, il y en aura beaucoup de semblables, et comme les ressemblances des organismes correspondent précisément aux ressemblances des milieux qui les impressionnent, il en résultera que des processus physiologiques semblables suivront ces incitations semblables, et seront terminées par >des actions semblables. Par suite, les hommes présenteront tous certains processus mentaux semblables, c’est-à-dire qu’ils auront en commun certaines sensations, certains sentiments, certaines idées, certaines volitions. C’est la collection des sentiments et des idées que possèdent en général tous les hommes, que l’on a appelée sens commun. L’origine du sens commun se trouve donc dans la ressemblance des organismes et des milieux où vivent ces organismes.

Exemple : Un des sentiments qui composent le sens commun est le sentiment de la conservation ; tout homme qui en serait privé serait certainement accusé de manquer de sens commun. Or, si ce sentiment se retrouve chez tous les êtres conscients, c’est que tous les êtres conscients ont ceci de semblable : leur système nerveux peut être impressionné par les objets qui leur nuisent et réagit de manière à éviter ces objets. Le même sentiment de conservation se trouvera ainsi chez tous les êtres conscients et fera ainsi partie du sens commun.

Il est à remarquer que les sentiments et les idées qui composent le sens commun ne sont pas absolument semblables chez tous les hommes qui les possèdent. Cela tient à ce que les processus physio-