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séailles.l'esthétique de hartmann

des événements, qu’il oppose à la liaison psychologique des sentiments ; en second lieu dans son aveugle admiration, il fait d’un défaut de Shakespeare une règle d’esthétique, et propose au lieu d’une action unique et bien liée, répondant à l’unité et à la logique même des caractères, des faits se succédant comme les images d’une lanterne magique. Le lyrique ne peut devenir dramatique que quand la lutte des sentiments devient une lutte de forces vivantes, un conflit de désirs qui poussent à l’action et aspirent à se réaliser. Il n’y a de scénique que ce qui peut se traduire devant le spectateur par une manifestation sensible, geste, jeu de physionomie, discours, monologue, où apparaissent les tendances intérieures en lutte ; dialogue, où la force interne fait effort pour entraîner autrui. Mais dans le drame, le dialogue est une action et une réaction, une lutte pour vaincre ; une discussion théorique, une tirade lyrique demeurent sans effet sur le spectateur. En tant que motif d’agir, le sentiment a son rôle dans le drame : nous ne sommes pas satisfaits de l’apparition soudaine d’un acte sans raison, et nous aimons à assister « au processus psychologique » qui se termine par l’action.

Ainsi, le drame ne consiste ni dans une suite d’événements externes, ni dans une série de tirades lyriques sur des sentiments, dont le sujet est l’occasion. Le drame est tout entier dans l’action, et l’action tout entière dans le mouvement (Functionniren) d’un caractère, qui manifeste par des expressions visibles ses états intérieurs, leur naissance et leur développement. Montrer un caractère en action, faire assister à l’apparition des causes, à la production des effets, et faire pénétrer ainsi dans l’âme du héros, qui devient visible à tous, telle est l’œuvre du poète dramatique.

M. de Hartmann termine cette étude sur l’esthétique du drame par des remarques sur le style qui doit être simple, s’adapter exactement à la pensée, pour laquelle il est fait et qui n’est pas faite pour lui, être concis et concentré comme, l’action même. Il importe assez peu que la pièce soit écrite en prose ou en vers, mais ce qui importe c’est que la forme ne détourne pas du fond, et que le vers n’ait pas la prétention d’attirer à lui une partie de l’attention du spectateur.

Dans l’article intitulé « le problème du tragique » M. de Hartmann cherche à déterminer les sentiments que doit exciter en nous le poète tragique et à marquer la fin qu’il doit poursuivre.


Les poètes, sûrs d’être applaudis par les âmes faibles, sont souvent tentés d’abuser du touchant. Sans doute le plus grand héros peut pleurer, mais il faut que la situation explique et justifie ses larmes. « Le sentiment est magnifique, dit Schelling, (herrlich)