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variétés.pomponazzi et ses interprètes italiens

elles-mêmes et dans leurs rapports, afin que la pensée guidée par l’histoire puisse s’élever à un point de vue vraiment général et supérieur aux points de vue spéciaux. Nous nous garderons généralement de mêler la critique à l’exposition ; parce que l’idée que nous nous formons de l’histoire de la philosophie, nous la représente comme un développement de la. pensée dont les causes et les directions, toujours liées aux faits et distinctes de nos sentiments personnels, sont les meilleures bases de la critique dont elle est susceptible. »

Il en résulte que l’interprétation, chez M. Ferri, est plus prudente, plus réservée, quelquefois plus timide que chez M. Fiorentino. Il ne trace point aussi nettement, aussi crûment, pour ainsi dire, la pensée de son auteur : il en reconnaît les obscurités, les oscillations et les doutes. On met toujours un peu de soi dans ses jugements. Pour M. Fiorentino, Pomponazzi est avant tout un esprit hardi et original ; pour M. Ferri, c’est un éclectique avisé qui sait retenir son jugement quand il ne voit pas clair ; et il faut bien avouer que M. Ferri donne ses raisons quand il le présente ainsi. Sur la méthode de Pomponazzi, il est plus complet, plus exact : « Tandis que jusqu’alors tous les commentaires d’Aristote, ceux d’Averroès, de St. Thomas, d’Albert-le-Grand, de Scot sont dogmatiques, celui de Pomponazzi est historique et critique. Le philosophe de Mantoue y professe à plusieurs reprises qu’il a conscience des limites de notre faculté de connaître et exclut la possibilité de donner la démonstration de tout, surtout dans les questions métaphysiques. Quand la certitude lui manque, il se contente du probable et du vraisemblable ; là où les preuves l’abandonnent, il s’en tient au doute, et sur des sujets aussi importants que l’immortalité de l’âme et l’éternité du monde, il déclare que le problème est neutre et insoluble à cause des raisons contraires qui se font équilibre, sorte de pressentiment de la position que prendra plus tard l’auteur des antinomies de la raison pure, en face des questions fondamentales de la philosophie spéculative. »

On voit que nous sommes loin de l’audacieux novateur dont nous parlait M. Fiorentino. Ce qui fait la supériorité de Pomponace, selon M. Ferri, ce qui constitue son originalité, ce n’est pas la substitution du commentaire grec au commentaire latin, puisque Vernias s’était déjà servi d’Alexandre d’Aphrodisias, et que Leonicus Thomaeus avait expliqué non-seulement les gloses d’Alexandre mais le texte même d’Aristote ; ce ne sont pas non plus les solutions présentées, lesquelles se trouvaient presque intégralement dans les ouvrages de Thomas Cajetanus, de Vio et de bien d’autres ; c’est la