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dire que, là même où l’interprète s’impose la plus scrupuleuse exactitude et s’efforce seulement de mettre en lumière les conséquences d’une théorie adoptée sans discussion, là encore l’intérêt du travail est évident ? C’est grâce aux innombrables gloses du moyen-âge et de la Renaissance que nous connaissons aujourd’hui toutes les lacunes, toutes les incertitudes, tous les points faibles du système laissé par Aristote. Les scolastiques ont leur importance dans l’histoire de la pensée : en elles l’esprit qui anime la philosophie à un moment donné, s’élève à une plus parfaite conscience de lui-même par une plus complète détermination. Péripatéticiens achevés, ces commentateurs s’étaient assez profondément pénétrés de la pensée d’Aristote pour penser naturellement, librement dans le sens de son système, et leur doctrine peut être considérée comme un prolongement normal de la doctrine du maître, ou plutôt comme une espèce de végétation tardive du vieux tronc aristotélique. L’étude en est aussi nécessaire à l’histoire complète du péripatétisme que l’étude de la philosophie alexandrine est nécessaire à la parfaite intelligence du platonisme.

Ce sont là des raisons générales. Si l’on ajoute que Pomponazzi a encore son originalité propre, et qu’il exerça par ses livres et son enseignement, une telle influence sur la pensée italienne qu’il en chargea la direction pour plus d’un siècle, — on comprendra de quelle importance est la connaissance de sa philosophie, — dût la spéculation d’aujourd’hui n’en retirer aucun profit positif et dogmatique.

L’Italie qui, après tant de servitudes et de divisions, demande maintenant à la réflexion indépendante et synthétique de l’histoire de lui rendre la pleine possession de son génie, a compris que le péripatétisme Padouan et Bolonais est une des formes les plus intéressantes de l’esprit philosophique au temps de la Renaissance. En moins de dix ans se sont succédé deux remarquables ouvrages sur Pierre Pomponace[1]. Le dernier a suscité une polémique qui dure encore aujourd’hui. Sans vouloir entrer ici dans l’analyse des résultats que cette intéressante recherche a acquis à la science, nous voudrions au moins faire connaître la méthode et le caractère des deux interprétations auxquelles elle a donné lieu. Aussi bien MM. Fiorentino et Ferri comptent-ils parmi les plus éminents représentants de la philosophie contemporaine en Italie, et c’est une

  1. Pietro Pomponazzi, studi storici sulla scuola Padovana e Bolognese nel secolo XVI, par Fr. Fiorentino. Firenze, 1868.

    Psicologia di Pietro Pomponazzi. Atti dell accademia dei Lincei, par Luigi Ferri. Roma, 1877.