Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/490

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
480
revue philosophique

par une série de charges et de décharges successives, en sorte qu’après une douleur aiguë, il y a un repos, puis une nouvelle douleur, et ainsi de suite, absolument comme la contraction du cœur ou systole, est suivie d’un repos ou diastole, pour recommencer de nouveau sa contraction. Cependant une douleur sourde persiste toujours et il n’y a d’intermittence que pour les élancements aigus et insupportables. Si l’on pouvait se permettre une comparaison un peu fantaisiste, c’est comme une note basse tenue constamment, avec des notes interrompues à une octave au-dessus.

Dans la plupart des maladies, on retrouve ces deux phénomènes de la douleur, irradiation et intermittence. Les médecins s’efforcent de les combattre, et ils y réussissent souvent. : en effet, la morphine, et les alcaloïdes de l’opium agissent très-bien sur l’irradiation qui diminue très-vite, et associés au sulfate de quinine, ils triomphent de l’intermittence, D’ailleurs cette intermittence se manifeste à des intervalles de temps quelquefois très-considérables, tout comme les fièvres intermittentes, c’est-à-dire du jour au lendemain, et même toutes les quarante-huit heures.

La douleur qui vient du grand sympathique a un caractère particulier sur lequel je désire appeler l’attention. Les malades qui souffrent de douleurs vives dont le siège est un des viscères abdominaux, sont pris d’une terreur vague, et comme anéantis par la douleur. Suivant l’expression d’un ancien auteur, il semble que les opérations de la nature soient suspendues ; tout effort de volonté est devenu impossible : cette angoisse générale, cet état d’anxiété et de dépression se retrouve toutes les fois que les nerfs sympathiques sont excités violemment, ou, ce qui revient au même, quand les centres sensitifs de ces nerfs sont excités. Ainsi la nausée provoquée par le vertige et le mal de mer, est accompagnée d’une dépression extrême, qui va quelquefois jusqu’à la syncope. L’énergie, le ressort moral qui fait la volonté et le moi n’existent plus. À vrai dire, cette douleur est moins une douleur vraie qu’un anéantissement du moi. L’équilibre entre la volonté et le sentiment a disparu, et le sentiment a détruit la volonté. L’intelligence proprement dite, en tant que faculté de conception et de jugement, est intacte, mais cette partie de l’intelligence qui est l’attention, et qui provoque un effort musculaire, est anéantie. C’est aussi ce qu’on observe dans les empoisonnements du cerveau. La volonté et l’attention sont atteintes les premières, alors que l’imagination, la mémoire et le jugement sont plutôt surexcités. La douleur qui ne vient pas du grand sympathique agit un peu dans ce sens, mais à un degré beaucoup moindre, et on peut dire que l’anéantissement de la volonté et de l’activité mus-