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Charles richet.la douleur

jumeaux ni les centres gris des couches optiques, si elles agissaient directement sur ces organes ; mais quand elles frappent la rétine, elles agissent de telle sorte que la rétine et, par suite, le nerf optique se trouvent excités : il y a donc eu renforcement de l’excitation par le fait même de l’expansion nerveuse rétinienne, disposée de telle sorte qu’elle devient sensible aux excitations lumineuses. Cette exquise sensibilité se retrouve aussi pour l’organe de l’ouïe, la membrane basilaire et les fibres de Corti renforçant l’excitation des ondes sonores. Ces ondes sonores agissant directement sur le tronc nerveux ne pourraient produire aucun effet sensitif, mais en agissant sur les expansions du limaçon membraneux, elles sont renforcées, et deviennent capables d’être perçues.

Au point de vue de la nature même du courant nerveux, cette question a une grande importance, quoiqu’elle soit encore très-obscure, et il est très-probable que la physiologie nerveuse fera des progrès surtout dans ce sens. Les expériences faites jusqu’ici sont loin déjuger la question : ce ne sont que des faits épars, mais dont la synthèse totale permettant de donner l’exposé dogmatique de la transmission des excitations par les nerfs, n’est pas même ébauchée. Quoi qu’il en soit, le rôle des expansions nerveuses terminales est considérable, aussi bien pour les excitations sensorielles, que pour les excitations sensitives du tact et de la douleur.

Peut-être convient-il de rapprocher de ces faits le phénomène étrange et inexpliqué appelé par quelques pathologistes la stupeur locale. Quand un membre est atteint par un violent traumatisme, un boulet, un éclat d’obus, un broiement par un engrenage, la douleur est presque nulle, c’est une sensation de gêne et d’engourdissement bien plutôt que la douleur aiguë qui devrait avoir lieu, si la faible ou forte excitation du nerf était en rapport direct avec la sensibilité à la douleur.

La douleur a encore d’autres caractères qui semblent être assez généraux ; je veux parler de l’irradiation et de l’intermittence.

Si on électrise la peau avec des pointes, la sensibilité est assez vivement éveillée pour que des courants très-faibles soient fort désagréables. Il semble alors qu’autour de chaque pointe il y ait un cercle de diffusion, cercle d’autant plus étendu que le courant est plus fort. De même, dans les douleurs pathologiques, le patient rapporte son mal à un endroit d’autant plus précis que la douleur est plus faible ; mais si la douleur est plus intense, il rapporte sa douleur à tout le membre malade.

Quant à l’intermittence, c’est une loi générale et qui ne souffre que bien peu d’exceptions. Il semble que le système nerveux procède