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tion ; je me contenterai de dire que par l’excitation interne d’un nerf de la sensibilité générale, excitation produisant une vive douleur, le cœur suspend ses battements : cet arrêt du cœur est le résultat de l’excitation du pneumogastrique : et Schiff a été jusqu’à dire qu’en excitant par des excitations graduellement croissantes le nerf sciatique, on obtenait les mêmes phénomènes cardiaques que par l’excitation graduellement croissante du nerf pneumogastrique. Selon Wundt[1] ce sont les premières manifestations de la sensibilité, et elles ne manquent jamais, même quand toutes les autres font défaut. L’excitation interne d’un nerf sensible produit de la douleur d’une part, et d’autre part un arrêt du cœur, et un abaissement de la pression du sang dans les artères.

Ce qu’il est important de savoir, c’est si cet arrêt du cœur est la conséquence de la douleur, ou une coïncidence avec la douleur. Franck, qui a étudié avec soin[2] l’action du chloroforme sur la circulation, dit que lorsque un animal est chloroformé et insensible, on peut exciter ses nerfs sensibles sans provoquer de réaction cardiaque ; mais cette inertie du cœur tient en réalité à une paralysie du pneumogastrique, de sorte qu’on doit admettre que le cœur ne réagit plus parce qu’il y a paralysie du pneumogastrique, et non parce que la douleur est supprimée par l’anesthésie.

Deux expériences sembleraient prouver qu’il peut y avoir réaction cardiaque, même quand la douleur est abolie. Ainsi, d’après Franck, sur des animaux à qui les lobes cérébraux sont enlevés, le réflexe cardiaque persiste encore, et il est vraisemblable qu’il y a ici simple réflexe sans conscience, c’est-à-dire sans douleur. D’autre part, j’ai très-souvent remarqué que chez des personnes chloroformées, immobiles, plongées dans une résolution complète, et par conséquent très-probablement insensibles, l’iris était encore contractile. Je parle ici de l’iris ; car la réaction de l’iris ou celle du cœur sont deux phénomènes du même ordre, et, pour ce qui nous occupe ici, on peut les confondre ; ces deux actions réflexes étant produites par la même cause, l’excitation forte des nerfs sensitifs. Or, si, sur un malade ainsi endormi, on excite fortement la sensibilité, d’une manière quelconque, aussitôt l’iris se dilatera. Il y aura donc réaction sans qu’il y ait eu douleur.

C’est pourquoi il est permis de supposer que l’arrêt du cœur, l’abaissement de la pression artérielle, la dilatation de l’iris sont des actions réflexes, jusqu’à un certain point indépendantes de la dou-

  1. Grundzüge der physiol. Psychologie, p. 186.
  2. Travaux du laborat. de M. Marey, année 1876, p. 221.