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analyses.liebmann. Zur Analysis der Wirklichkeit.

et d’ailleurs relatives à notre nature. Sa critique transcendantale n’était donc bien qu’un acheminement à ce demi-scepticisme.

À mesure que M. Liebmann arrive à des questions plus hautes et plus complexes, il redouble de prudence apparente, rompant tout lien entre ses pensées, les laissant à l’état de fragments indépendants ; à la fin il ne hasardera plus que des maximes détachées. La lecture n’en devient que plus attrayante : peu de livres sont aussi propres à exciter la réflexion. D’autres veulent enchaîner les esprits ; leurs systèmes sont des prisons : à peine entré on se voit captif, et l’on ne sait pourquoi. Bien différent, ce livre-ci est comme une école.

L’analyse de ces deux parties est très-difficile. L’essentiel serait de montrer qu’en dépit de la forme, l’unité n’est pas rompue : une même pensée circule à travers toutes les parties. Quelques remarques seulement sur ce sujet.

L’essai sur la Valeur Philosophique de la Physique Mathématique a pour objet d’attaquer les métaphysiciens qui veulent déduire les lois de la nature des principes rationnels, l’objectif du subjectif. Tel Schopenhauer réduisant l’attraction universelle à un mélange d’amour et de haine entre les corps célestes comme entre tous les êtres. À ces jeux d’imagination, M. Liebmann oppose la démonstration de la 2e loi de Kepler par Newton, une des plus belles et des plus simples qu’offre toute la physique mathématique, et prononce alors, non sans autorité, la condamnation de ces métaphysiciens trop dédaigneux de la science. Mais il enveloppe dans le même reproche des hommes tels que Descartes, d’Alembert et Kant, pour avoir essayé de déduire le principe de l’inertie du principe de Causalité. C’est, dit-il, tirer un principe réel d’un principe idéal, donc l’objectif du subjectif. — Mais, pour Kant, le principe de Causalité ne le cède en objectivité à aucun autre ; à vrai dire, il n’atteint pas la chose en soi, mais c’est ce que ne saurait faire davantage aucun principe intellectuel ; quant à l’objet empirique, ce principe en est la loi même. La tentative de Kant n’a donc rien d’étrange. — Mais, dit M. Liebmann, elle implique un cercle vicieux. Kant dit : pas de changement sans cause-, donc en l’absence de toute action extérieure, le mouvement d’un corps ne peut changer, ni quant à la direction, ni quanta la vitesse. De même s’il s’agit du repos, qui n’est qu’un mouvement de vitesse nulle. Kant suppose donc que la nature du corps en soi serait de se mouvoir en ligne droite ; d’où vient cette supériorité de. la droite, qui lui assure la préférence ? — D’abord en cette question Kant ni ses deux prédécesseurs ne considèrent la nature du corps en soi. Cette erreur est propre à Newton (3e et 4e déf.). Eux ne considèrent que les lois de l’intelligence, lesquelles commandent au monde des phénomènes. Et quant au fond, la droite mérite en effet la préférence. Remontons à sa définition : le plus court chemin entre deux points. Le mobile en question change de position : soit sa position actuelle, l’une quelconque de ses positions futures. S’il ne s’y rend pas en suivant , il ne suit pas le plus court chemin. Or celui-ci, en