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est le fondement de la géométrie plane d’Euclide : qu’une figure y pourra voyager sans déformation : autrement dit, qu’on pourra en deux régions de cette surface tracer deux figures égales. En second lieu, entre deux points donnés de cet espace, il n’y aura qu’une ligne géodésique (la plus courte possible). Enfin par un point extérieur à une ligne géodésique de cet espace, on pourra mener une ligne géodésique qui ne rencontrera pas la première, et on n’en pourra mener qu’une. — Si au contraire la surface a une courbure constante et positive (la sphère), les figures pourront toujours se transporter sans déformation ; entre deux points donnés il n’y aura encore qu’une ligne géodésique (un arc de grand cercle), avec cette exception que si les deux points sont opposés diamétralement, les lignes géodésiques entre eux seront en nombre infini. Par un point extérieur à une ligne géodésique de cet espace, on ne pourra mener une ligne géodésique sans qu’elle coupe la première à une distance finie. — Si la surface avait une courbure variable, les figures n’y seraient plus transportables, et la géométrie euclidienne ne s’y appliquerait plus.

Maintenant revenons aux êtres à plus de deux dimensions : leur espace pourra jouir ou ne pas jouir des trois propriétés du plan euclidien, puisque ces propriétés ne sont pas absolument inhérentes à tout espace concevable. S’il en jouit, il sera comme notre espace à nous, et par analogie, on pourra l’appeler espace de courbure constante et nulle, ou espace plan. Sinon, ce sera un espace différent du nôtre. Des espaces à plus de deux dimensions, et toutefois essentiellement différents du nôtre, peuvent donc être admis. Le nombre même de leurs dimensions n’est pas déterminé d’avance, et pourra être égal à . La géométrie de cet espace peut être établie. Lobatchewsky, Gauss, Riemann, Helmholtz, y ont travaillé avec succès.

Passons au second procédé. Pour l’analyste, dans notre espace à trois dimensions, la position d’un point et ses variations sont déterminées par les valeurs de trois coordonnées, exprimées algébriquement. Notre espace, pour lui, c’est donc une multiplicité dans laquelle l’unité est déterminée par trois coordonnées. Or, en algèbre, on conçoit et on rencontre des équations à 4, 5, coordonnées, donc des multiplicités où l’unité est déterminée par 4, 5, coordonnées. Par analogie, ou devra voir dans ces multiplicités des espaces à 4, 5, dimensions.

En conséquence, notre espace à trois dimensions n’est pas l’unique espace possible ; notre géométrie euclidienne n’est pas la seule concevable, et l’on peut admettre, au moins à titre d’hypothèse, que cette géométrie est un cas spécial de la géométrie générale ou métagéométrie de Riemann ; et aussi que notre espace n’est qu’une façon entre[1]

  1. surface dans la région considérée. Si l’un de ces cercles est infini, c’est-à-dire si la surface, selon une direction donnée, se confond sur une longueur finie avec sa tangente (comme dans le cône et le cylindre) on aura pour courbure