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ANALYSES ET COMPTES-RENDUS



Otto Liebmann.Zur Analysis der Wirklichkeit. Philosophisghe Untersuchungen. (Essais d’analyse de la réalité, recherches philosophiques). Strasbourg, 1876. VI-619 pages gr. in-8[1].

M. Liebmann divise son objet en trois parties : 1° Dialectique, ou critique de la connaissance ; 2° Philosophie de la nature ; 3° Théorie de l’idéal (esthétique et éthique). Dans ce plan, qu’il emprunte aux anciens, il embrasse donc toute la philosophie. Toutefois, son livre est fort éloigné de ressembler à un manuel ; les plus grandes questions philosophiques y sont traitées, mais isolément, et comme indépendantes entre elles : l’auteur évite de généraliser une solution partielle ; c’est là, pour lui, comme un moyen de circonscrire les erreurs. Bien loin d’appliquer une même théorie à tous les problèmes, il ne se flatte même pas de trouver une réponse certaine à chacun d’eux ; plus semblable en cela aux savants qu’aux philosophes.

M. Liebmann donne la raison de ces scrupules dans de beaux Prolégomènes. La philosophie, dit-il, est la recherche des premiers principes, des hypothèses d’où part toute science, et qui sont les bornes

  1. Autres écrits du même auteur : Kant et ses Épigones, 1865. Sur la démonstration personnelle du libre arbitre, 1866. Sur le champ visuel objectif (Ueber den objectiven Anblick), 1869. Divers articles dans les Philosophische Monatshefte, notamment en 1872, etc.

    M. Liebmann aime à faire allusion aux hommes, aux mœurs et jusqu’aux proverbes de notre pays. Ces allusions ne sont pas toujours malveillantes. Toutefois, M. Liebmann ne pouvait manquer, par exemple, en parlant d’art, tandis qu’il mettait sur le même rang Raphaël et Cornelius, de s’indigner contre la peinture française, et les « lascives Phrynés qu’elle crée pour plaire au goût des hétaïres. » Jugement sévère, et qui serait d’un grand poids, venant d’un juge austère et compétent. Mais quand M. Liebmann s’apprête à s’indigner contre nos peintures, il peut se dispenser de nous avertir qu’elles le font « penser à autre chose. » S’il veut paraître, aux yeux d’autres que des Allemands, connaître les choses de notre pays, qu’il ne fasse plus dire à Molière que « l’opium endormit (sic) parce qu’il a une vertu soporifique. » Qu’il cesse de prêter à Voltaire la pensée de Vauvenargues : « les grandes pensées viennent du cœur. » (Réflex. et Maximes, 127). Enfin qu’il ne traduise plus « 4 mille milliards » par « 4 billionen. » — Je note ces particularités pour les écarter ; mettons-les en oubli, et n’ayons affaire qu’à la philosophie de M. Liebmann.