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nolen.l’idéalisme de lange

linéaments d’une théologie rationnelle. Mais il n’hésite pas à donner leur véritable sens aux hypothèses de sa métaphysique religieuse, en déclarant qu’un Spinoza ne saurait être convaincu d’erreur et encore moins flétri, lorsqu’il déclare se passer de l’immortalité et de la providence. Nous n’avons pas à insister ici sur ces questions, que nous avons traitées ailleurs[1].

Il convenait de relever les erreurs et les malentendus des critiques de détail dirigées par Lange contre la philosophie de Kant. Il n’en reste pas moins vrai que les principes essentiels du père de la critique inspirent et soutiennent la pensée de Lange.

C’est ainsi que l’Histoire du matérialisme a été le signal en quelque sorte du retour des esprits aux doctrines négligées du kantisme. Depuis la première édition du livre, toute une légion de patients et pénétrants interprètes s’est appliquée tantôt à commenter et à développer, tantôt à corriger les diverses théories critiques. Les noms de Cohen, de Bona-Mayer, de Stadler, d’Arnoldt, de Paulsen, de Schultze, de Bergmann, deRiehl, de Göring, de Laas, de Dieterich, etc., etc., témoignent de la multiplicité et de la valeur de ces efforts. Sans doute Lange ne peut être considéré comme le chef de tous les néokantiens. On doit distinguer parmi eux deux groupes bien distincts, comme une gauche et une droite. Les uns sont portés à exagérer la part de l’élément critique et du scepticisme subjectif dans la philosophie de Kant. Les autres interprètent surtout sa doctrine à la lumière de la raison pratique, et dans le sens d’un dogmatisme exclusivement moral. Des Hégéliens comme Kuno-Fischer, Zeller et Lasson, ou un Herbartien comme Horwicz appartiennent incontestablement au premier groupe. Cohen, Riehl, Göring et Laas figurent dans les rangs du second. Il paraît bien que Lange occupe une position intermédiaire, et doive être placé au centre de l’armée des Néokantiens ; et nous ne croyons pas que Vaihinger soit autorisé sans conteste à le revendiquer pour la gauche.

Quoi qu’il en soit, Lange a contribué plus efficacement que tout autre à provoquer le mouvement considérable d’études kantiennes, dont nous sommes témoins. Il a le rare mérite d’avoir mieux qu’aucun autre montré tout ce que la science moderne doit ou peut emprunter au Kantisme ; et tout ce que le Kantisme, à son tour, trouve de confirmations inattendues, de développements précieux dans les récentes découvertes de la science positive.

  1. La critique de Kant et la métaphysique de Leibniz, par D. Nolen, chez Germer Baillière, 1876.