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kantienne de la causalité mécanique : les travaux sur la physiologie des sens de Weber, de Lotze, de Helmholtz et deWu ndt prouvent, à leur tour, que la théorie de Kant doit s’étendre même aux propriétés secondes de la matière, c’est-à-dire aux qualités sensibles. « Même les qualités des impressions sensibles, comme la couleur, le son… ne méritent pas d’être considérées comme quelque chose d’individuel, de purement relatif, d’où ne découlerait aucune proposition à priori et qui ne pourrait fonder aucune objectivité. » L’entendement, dont l’activité réfléchie construit laborieusement le monde du mouvement mécanique, auquel s’appliquent la pensée et l’action du savant, ne déploie pas une moindre activité dans la construction du monde des sens, auquel s’attache la pensée de l’ignorant. Mais cette activité est ici instinctive, inconsciente ; et voilà pourquoi les secrets nous en ont été dérobés si longtemps. L’ignorant ne saisit avec sa conscience que le résultat de ce travail. Démêler le jeu de l’activité organique ; analyser le mécanisme physique ou psychique : c’est là l’une des plus merveilleuses découvertes de la science contemporaine. « La physiologie des organes des sens est le développement ou la justification du kantisme ; et le système de Kant peut être considéré comme le programme des découvertes nouvelles sur ce domaine. Un des plus habiles chercheurs, Helmholtz, s’est servi des vues de Kant comme d’un principe heuristique ; et n’a fait que suivre, mais avec plus de rigueur et de conscience, la même voie où d’autres avaient réussi également à nous faire mieux entendre le mécanisme de l’activité sensitive. »

La question de la vue droite et de la projection au dehors des objets avait longtemps favorisé la croyance à la réalité externe des objets matériels. Elle a été définitivement condamnée par les travaux de Jean Müller et d’Ueberweg, et, plus définitivement encore, par la doctrine qu’Helmholtz a fait triompher.

Il en est de même de la croyance à la réalité des propriétés sensibles comme le son, la couleur. Il faut l’entêtement systématique d’un Czolbe pour rester sourd sur ce point aux enseignements de la physiologie. « Remarquons d’abord que le principe fondamental des appareils sensoriels, surtout de l’œil et de l’oreille, consiste en ceci que, du chaos des vibrations et des mouvements de toute espèce, dont nous devons concevoir que les milieux environnants sont remplis, certaines formes seulement de mouvements, qui se répètent suivant des rapports numériques déterminés, sont en quelque sorte abstraites par nos organes, relativement renforcées, et arrivent ainsi à la perception de la conscience, tandis que toutes les autres formes de mouvement passent sans faire la moindre impres-