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nolen.l’idéalisme de lange

la conservation de la matière, auquel les matérialistes d’aujourd’hui, à l’exemple de Démocrite, persistent à donner la préférence, vient ajouter un nouveau poids à la doctrine, qui réduit la matière à la force. Aussi ne faut-il pas s’étonner qu’Helmholtz, dans ses savants travaux sur la conservation de l’énergie, ait été tenté d’en revenir à une sorte de conception aristotélique de la matière.

Lange résume sa pensée sur ce problème si intéressant de la matière et de la force par les trois définitions suivantes : « J’appelle chose un groupe de phénomènes reliés entre eux, que je considère comme un tout distinct, en faisant abstraction de tous autres rapports, et de tous changements intérieurs. J’appelle matière dans la chose ce que je ne puis ou ne veux pas résoudre en force, et ce que je personnifie comme la base et le support des forces connues. J’appelle forces ces propriétés de la chose que je connais par ses actions déterminées sur d’autres choses. »

Et Lange conclut par ces mots de Rokitansky : « La théorie atomistique conduit justement à une conception idéaliste du monde. »

Lange ne défend pas avec moins de décision la théorie kantienne de la causalité, contre les objections du positivisme, surtout contre le relativisme de Stuart Mill. Ici encore, la théorie critique rencontre sa meilleure justification dans la science moderne. « Peut-être que la raison du concept de causalité, la démonstration du mécanisme universel des phénomènes, aussi bien psychologiques que matériels, se trouvera quelque jour dans le mécanisme du mouvement réflexe et de l’excitation sympathique. Ce jour-là, nous aurons traduit dans le langage de la physiologie, la Critique de la Raison pure ; et nous lui aurons donné ainsi plus d’évidence sensible. » Le développement de cette vue originale doit être cherché dans les chapitres que l’auteur consacre à la physiologie cérébrale. La psychophysique ramène l’étude de l’activité spirituelle à celle des réflexes, ainsi que Wundt et Horwicz l’ont tenté avec succès. « Le phénomène spécial du mouvement réflexe… a été déjà présenté plusieurs fois comme l’élément fondamental de toute activité psychique[1], »

Tandis que les recherches de la métagéométrie préparent les esprits à entendre la subjectivité de l’espace ; que les travaux des physiciens et des chimistes conspirent à démontrer le caractère purement relatif, hypothétique de la matière ; que les physiologistes éclairent d’un nouveau jour, par la théorie des réflexes, la conception

  1. Un jeune docent de Berlin, Reinhold Biese, vient tout récemment de consacrer au développement de cette pensée une intéressante étude sur « la théorie de la connaissance dans Aristote et dans Kant. » (Berlin, 1877.)