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Straszewskila psychologie est-elle une science ?

animaux avec ceux qui ont lieu chez l’homme, elle étudie par des voies intermédiaires l’état de l’âme des êtres inconscients de leur propre existence psychique, comme les enfants ; elle observe les perversions mentales et morales, et en comparant ces études avec les données physiologiques et anatomiques, elle arrive à des conjectures qui expliquent la dépendance de la vie psychique à l’égard de l’organisme. De plus, elle étudie les faits ethnologiques, les modifications que subissent les phénomènes psychiques, grâce aux influences ethnographiques et sociales, et pourvue de ces matériaux empruntés aux autres sciences, soutenue par leurs expériences, elle s’achemine sans jamais perdre de vue l’observation intérieure vers le but qui lui est signalé.

Quant à ce qui concerne l’attitude de la psychologie vis-à-vis de la philosophie, nous sommes d’avis que la psychologie est aujourd’hui une science à part, et quant à la raison pour laquelle elle ne s’est détachée de la philosophie que dans les derniers temps, nous pensons que c’est une chose qui a été suffisamment exposée par M. Ribot dans l’excellente introduction de sa Psychologie anglaise contemporaine. Quoique la psychologie soit complètement indépendante de la philosophie, elle est cependant liée avec elle plus étroitement que ne le sont les autres sciences ; car la psychologie est précisément cette base sur laquelle la philosophie repose en qualité de science qui s’occupe de la recherche de nos idées et embrasse la totalité de notre savoir.

Tout en maintenant, d’une manière aussi ferme, que la psychologie est une science, nous n’en admettons pas moins volontiers avec M. Stewart qu’elle est aussi une méthode. On peut parler de la manière psychologique d’envisager les choses dans le même sens qu’on parle souvent de la manière, ou pour mieux dire, de la méthode mathématique ou naturelle de penser et d’examiner les faits. Être psychologue et maintenir une attitude psychologique, c’est se poser en observateur impartial, qui, au lieu de tout juger et de tout condamner, explique et éclaircit. Cette manière psychologique de traiter son objet se laisse introduire aussi bien dans la vie que dans la littérature et dans la critique, quand au lieu déjuger arbitrairement les productions littéraires, d’après quelques formules abstraites, nous tâchons de nous expliquer leur origine, et de les considérer comme phénomènes du mouvement intellectuel en général. Rappelons-nous surtout que si cette attitude psychologique a le droit de porter ce nom, c’est parce qu’il existe en réalité une science psychologique à part, qui nous l’enseigne par l’application scientifique de l’observation intérieure.

Maurice Straszewski.