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psychologie par M. Stewart, mais nous affirmerons tout au contraire que son objet nous paraît être déterminé avec beaucoup plus de précision que ne le sont ceux des autres sciences. Or, en quoi consiste la différence d’objet entre les sciences ? elles s’occupent également toutes de l’étude des phénomènes et de la recherche des lois qui les régissent ; voilà leur point de ressemblance. Mais si nous avons devant nous deux phénomènes, dont chacun exige des moyens de perceptions complètement différents ou même opposés, il est évident que ces phénomènes ne pourront former l’objet des mêmes recherches scientifiques. Nous arrivons, par exemple, à connaître les phénomènes de la voix à l’aide de tout autres moyens que ceux que nous employons à la connaissance des phénomènes de la lumière, c’est pourquoi ces phénomènes forment dans le domaine de la physique deux sciences tout à fait séparées l’une de l’autre. Il peut y avoir aussi entre les phénomènes une différence non de moyens de perception, mais de nature, et alors ils n’appartiennent plus aux mêmes sciences. La nature des phénomènes physiques du mouvement des corps est tout autre que celle des phénomènes chimiques, et ces derniers diffèrent de nouveau par leur caractère des phénomènes physiologiques ; aussi forment-ils l’objet de trois sciences détachées l’une de l’autre, quoiqu’il y ait toujours en réalité phénomènes chimiques là où il y a phénomènes physiologiques, et qu’il soit impossible de les disjoindre autrement les uns des autres, que dans notre pensée et dans nos recherches. En dehors de celle-là tous les phénomènes quelle que soit leur nature se mêlent, s’unissent et se lient entre eux pour former une seule chaîne compliquée des manifestations de l’être, et ce n’est que notre esprit qui les détache les uns des autres et les range en différents groupes pour rendre plus facile la solution des problèmes qui l’entourent.

Observons maintenant de plus près les phénomènes psychiques. Il ne sera pas difficile de démontrer qu’ils diffèrent comme objet de notre savoir, malgré leur dépendance intime des fonctions de l’organisme physiologique, de tous les autres phénomènes, en deux sens : c’est-à-dire aussi bien par leur nature que par les moyens à l’aide desquels nous arrivons à les percevoir. Ce moyen, c’est notre conscience immédiate intérieure, tandis que le moyen nous rendant possible la perception des changements opérés dans l’être extérieur, ce sont les sens. S’il est évident que, sans l’aide des sens, nous serions dans une ignorance complète des changements qui ont lieu en dehors de nous, il est tout aussi certain que sans l’aide de la conscience nous ne pourrions connaître ceux qui s’accomplissent dans notre vie psychique. Pour éviter un malentendu, nous ajoutons, et nous ap-