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qualité et les notions de quantité ; les premières sont faites d’éléments hétérogènes, inclus et comme emboîtés les uns dans les autres ; les secondes sont composées de parties homogènes réunies et comme juxtaposées les unes aux autres ; de là, en s’unissant, notions de qualité à notions de qualité, notions de quantité à notions de quantité, elles constituent, les unes des propositions, couples de termes liés par la copule est, les autres, des équations, couples de termes égaux ou équivalents, liés par la copule égale ; en s’enchaînant, les propositions forment des syllogismes et des séries de syllogismes ; les équations, des raisonnements mathématiques. La distinction native des notions de qualité et des notions de quantité persiste donc à travers toutes les combinaisons et des unes et des autres. Mais si, comme le veut Hamilton, toute proposition est au fond une équation du sujet et du prédicat, il n’y a plus lieu de distinguer, au point de vue formel, ceux des raisonnements qui procèdent par inclusion ou exclusion de notions en des propositions successives, de ceux qui vont à la conclusion par substitution de membres égaux ou équivalents en diverses équations. Dès lors, le type primitif et fondamental de l’inférence déductive serait le raisonnement mathématique, et la logique serait une espèce particulière de l’algèbre.

Est-ce sur cette vue que repose la logique algébrique de Boole ? Ce serait singulièrement rapetisser son œuvre que de le croire. Une logique mathématique, établie sur les principes que nous venons d’esquisser, ne serait au fond qu’une notation symbolique de la logique ancienne. De celle-ci, tout serait conservé, principes, procédés et formes principales ; on y ajouterait quelques formes nouvelles, déterminées par l’application du principe de la quantification du prédicat aux propositions ; mais, au fond, sous un revêtement mathématique, ce serait toujours l’analytique ancienne ; le champ de la logique formelle ne serait pas étendu ; la puissance et la portée de ses procédés ne seraient pas accrues ; le seul gain serait peut-être d’en simplifier les énoncés et d’en abréger le traitement.

Boole a voulu, au contraire, élargir le champ et accroître la puissance de la logique déductive. — Dans l’ancienne analytique, toute inférence est tirée ou d’une proposition unique, — inférences immédiates, — ou de deux propositions, — inférences médiates, syllogismes. Là s’arrête le procédé déductif. On ne se demande pas quelles sont toutes les relations logiquement possibles entre tous les termes, si nombreux qu’ils puissent être, d’une proposition donnée ; on ne se demande pas davantage quelles conclusions résulteraient d’un système de plus de deux prémisses ; le sorite, en effet,