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Ch. bénard. — l’esthétique du laid

soumettre dans l’ensemble aux lois de l’harmonie et de la symétrie qu’il blesse et viole dans ses formes propres. Il ne doit pas se poser, se produire dans la mesure supérieure à celle qui lui convient d’après son rôle dans l’ensemble. Il doit aussi posséder une force individuelle d’expression qui ne permette pas de le méconnaître dans sa vraie signification.

Nous avons cru devoir reproduire in extenso toute cette théorie, la partie la plus solide, sinon la plus originale du livre.

VIII

Si telle est la manière dont, l’art en général doit représenter le laid, n’y a-t-il pas entre les arts particuliers des différences essentielles qu’il est bon de marquer, et qui résultent de leur mode particulier de représentation ? L’auteur traite brièvement cette question, trop vaste pour pouvoir être étudiée ici en détail ; il fallait néanmoins préciser les différences tout en se bornant au point de vue général. Aussi trouvons-nous cet article très-insuffisant.

Jusqu’à quel point chaque art peut-il admettre le laid dans ses représentations ? Voilà le vrai problème. Mais jusqu’où peut-il aller dans les incorrections et les défauts qui font qu’une œuvre d’art est laide, et cela sans trop choquer le sens du beau dans un goût exercé ? C’est une autre face du sujet. C’est par ce côté que notre auteur semble l’avoir surtout envisagé. On peut lui objecter qu’aucun art n’a le droit d’admettre ainsi le laid. Que la faute ou l’incorrection soient plus ou moins saillantes, visibles ou latentes, ce n’est pas moins un défaut qu’une critique exercée et sévère doit relever. D’ailleurs, c’est substituer à une question philosophique une autre d’un médiocre intérêt.

III. — Une question beaucoup plus importante, par laquelle se termine cette partie générale du traité, est celle du plaisir que nous fait éprouver le laid. Sans doute elle n’était pas bien difficile à résoudre. Il n’y avait qu’à tirer la solution des principes qui viennent d’être posés. Néanmoins nous regrettons encore que M. Rosenkranz, qui est à la fois psychologue et esthéticien, n’ait pas cru devoir la traiter plus à fond et lui donner plus de développement. Quelques mots sensés ne suffisaient pas, d’autant plus que les diverses écoles ne sont pas d’accord, et que leur solution est très-différente.

Voici du reste comment il résout le problème que fait naître la considération du laid dans l’art, et qui se pose naturellement à la suite des questions que nous venons d’examiner.