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la nature. Qui n’a pas vu un jeune homme ou une jeune femme sur leur lit de mort, qui, victimes de la phthisie pulmonaire, présentent une face réellement transfigurée ? Quelque chose de semblable n’est pas possible dans un animal.

« Pour la même raison, il est évident que la mort ne doit nullement apparaître sur les traits de la figure avec une permanence réelle, mais précisément laisser une expression belle et heureuse. Si la maladie, dans certaines circonstances, peut embellir l’homme, sa disparition, à plus forte raison, le peut également. Le retour incessant à la santé donne au regard une libre clarté, aux joues une rougeur douce. Le gonflement nouveau des artères et des muscles, le jeu de la force qui, avide de jouir d’elle-même, reprend ses mouvements, répandent une extraordinaire beauté en puissance ; ils pénètrent l’extérieur d’un charme inexprimable, où l’attrait du rajeunissement contraste avec la faiblesse, la vie avec la mort. Le convalescent est un spectacle digne des dieux. »

L’auteur énumère ensuite les autres formes de la laideur spirituelle et morale : la passion violente, la folie, la démence, etc. Cette laideur intérieure se traduit à l’extérieur. La folie, la démence, la rage furieuse, rendent l’homme laid. L’ivresse également est une aliénation momentanée, produite artificiellement. Dans le sens rassis, l’esprit domine l’organisme ; dans le trouble de l’âme, rhomme’, i perd le sentiment et la possession de lui-même ; il se rapproche de l’animal ou le dépasse. L’agitation, les mouvements désordonnés, les gestes grimaçants, les paroles incohérentes, en font un objet d’horreur ou de dégoût.

VII

Nous avons maintenant à considérer le laid dans l’art. Le sujet est trop important pour que nous ne devions pas nous y arrêter.

I. — L’art a pour objet le beau. Pourquoi le laid doit-il aussi y être représenté ? N’y a-t-il pas contradiction ? La réponse ordinaire, celle que donnent tous les esthéticiens des diverses écoles, est celle-ci : Le laid, dans l’art, a pour but de faire ressortir le beau. Le contraste, l’opposition sont nécessaires pour le rehausser, en faire sentir la valeur, pour faire apparaître la beauté dans tout son éclat. Ainsi, le laid n’est pas là pour lui-même, il n’est qu’un moyen dont le but est le beau qui est hors de lui.

L’auteur combat vivement cette opinion ; non qu’elle soit entièrement fausse ; mais elle est insuffisante, étroite, et ne s’élève pas au