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nos jugements esthétiques s’introduisent ici beaucoup d’erreurs soit par l’habitude de voir un type que nous sommes disposés ensuite à regarder comme beau, soit parce que nous isolons l’animal de son entourage ou du milieu où il vit. Combien nous apparaissent différents ces animaux quand nous les replaçons dans cet entourage, par exemple les grenouilles dans l’eau, le lézard dans l’herbe, se glissant dans la fente d’un rocher, le singe grimpant dans un arbre, l’ours blanc sur son glaçon ! »

3o Les cristaux dans leur régularité fixe peuvent, lors même qu’ils sont arrêtés dans leur formation, se montrer empiriquement imparfaits sans que pour cela ils soient laids. Dans leur idée consiste la beauté de la forme stéréométrique. Les plantes peuvent être mutilées, se flétrir, se faner, se déformer, mais elles sont belles par leur idée. Si dans de certaines formes elles paraissent laides, cette difformité quelquefois s’adoucit par un trait comique ; ainsi l’espèce des cactus, des cucurbitacées, est souvent employée par la peinture pour les figures fantastiques ou comiques. Chez l’animal au contraire, on ne peut le nier, se produisent des formes d’une laideur originelle dont l’aspect hideux n’est adouci par aucun trait comique. La raison de ces formes est la nécessité où est la nature d’accommoder l’organisme aux divers climats, zones, ou formes du sol, de le faire passer par les différentes périodes de la terre. Soumise à cette nécessité elle doit varier le même type, celui du chien par exemple, à l’infini. Les taupes, les araignées, les grenouilles, les lézards, les crapauds, les rongeurs, les pachydernes, les singes sont positivement laids. Plusieurs de ces animaux sont pour nous importants ou au moins intéressants, les torpilles par exemple. D’autres nous imposent quoique laids, par leur grandeur et leur force, l’hippopotame, le rhinocéros, le chameau, l’éléphant, la girafe. Parfois la forme animale prend une tournure comique comme chez les pingouins. Beaucoup d’animaux sont beaux. Quelle n’est pas la beauté des coquillages, celle des papillons, des coléoptères, des serpents, des colombes, des perroquets, des chevaux ! Nous voyons que les formes laides se produisent surtout dans les espèces de transition du règne animal, parce que là se manifeste une certaine contradiction, une équivoque, une hésitation, un balancement entre les différents types. Plusieurs amphibies sont laids parce qu’ils ressemblent à la fois aux animaux terrestres et aquatiques. Ils sont encore et ne sont plus poissons, équivoque qui se traduit à la fois à l’intérieur et à l’extérieur dans leur structure et leurs mouvements. Les monstrueuses formes des antédiluviens sont principalement dues à ce que des organismes gigantesques devaient s’accommoder aux conditions