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L’auteur est beaucoup plus clair et plus heureux dans ce qu’il dit des différences qui séparent le laid de l’imparfait. Le sujet était plus facile. Il avait à combattre Baumgarten et les esthéticiens qui, sur ce point, l’ont imité. Kant, d’ailleurs, lui avait frayé la voie par sa distinction lumineuse du beau et du parfait (Kritik der Urtheilskraft). Ce qu’il ajoute n’est pas sans intérêt. Les exemples surtout font bien sentir la différence. Un animal peut être parfaitement organisé et être laid : le chameau. Dans l’ordre intellectuel, un faux jugement, une erreur sont imparfaits pour notre esprit et ne sont pas esthétiquement laids. Les vertus acquises, quoique parfaites et méritoires, ont souvent peu de charme esthétique. L’imparfait est relatif ; cela dépend du degré ou de la mesure qui sert à l’apprécier. L’imparfait, dans le sens de commencement, n’a rien de commun avec le laid. Un dessin imparfait peut encore n’être pas un mauvais dessin. Parce qu’un objet est moins beau qu’un autre, il ne s’en suit pas que le moins beau soit laid ; cette différence graduelle n’atteint pas la qualité du beau. Surtout ce qu’il faut se rappeler, c’est que les espèces sont coordonnées à leur genre, bien qu’elles soient subordonnées. Et cela est très-important à noter dans notre science. Là est en effet la solution d’un problème d’esthétique fort souvent agité sur la hiérarchie des beaux arts. L’architecture, la sculpture, la peinture sont parfaitement égales entre elles en leur genre. Et cependant il est vrai que, dans l’échelle des arts, elles forment une gradation où l’une surpasse les autres par sa possibilité de représenter l’idéal d’une manière plus parfaite. Chaque art a son existence particulière, ses matériaux, ses formes où il excelle. La subordination ainsi conçue n’a aucun rapport avec le laid. Si donc on dit qu’un art est inférieur à un autre, ce n’est nullement une dégradation esthétique. Bref l’imparfait n’est nullement identique au laid.

Toutes ces remarques sont fort justes et ne perdent rien à être exprimées clairement.

V

La question du Laid dans la Nature était facile à traiter après ce qui avait été écrit auparavant sur le beau (Herder, W. de Humbold, Th. Vischer, Köstlin) dans ce domaine. Elle fournit à l’auteur plus d’une observation intéressante. Il marque avec assez de précision la gradation des formes du laid à mesure qu’on s’élève d’un règne à un autre. Ces formes sont innombrables, ce qui rend d’abord difficile de