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II

M. Rosenkranz est un des disciples les plus distingués de Hegel. Il appartient à cette partie de l’école hégélienne qui est désignée sous le nom de centre droit. Penseur ingénieux, écrivain spirituel, clair, élégant, il s’est fait connaître par un grand nombre d’écrits philosophiques à juste titre estimés et très-goûtés du public allemand. Outre sa Vie de Hegel (1841) et ses Éclaircissements sur le système hégélien (1840), un autre écrit sur Hegel, philosophe national, publié en 1870, et une édition de Kant, il a composé des ouvrages spéciaux sur presque toutes les parties principales de la philosophie : une Encyclopédie des sciences philosophiques, une Psychologie, un écrit sur la Logique, d’autres où il aborde les sujets théologiques. Le fond des doctrines, dans ces divers écrits, est un hégélianisme tempéré. Le but principal que se propose l’auteur, est de prouver que la philosophie de Hegel, dans son essence et bien comprise, peut très-bien se concilier avec les grandes vérités qu’elle est accusée sinon de nier, de renverser ou de détruire : la personnalité divine et humaine, l’immortalité de l’âme, la liberté. Y est-il parvenu ? Les purs hégéliens le contestent, et accusent le disciple d’être superficiel. (V. Michelet, Gesch., t. II, p. 659). Ils déclarent ses solutions dépourvues de rigueur scientifique et de profondeur philosophique. Nous n’avons pas à intervenir dans ces jugements. M. Rosenkranz s’est aussi beaucoup occupé d’esthétique, et il a pris un rang distingué parmi les esthéticiens de cette école. Il avait déjà préludé à son Esthétique du laid, par d’autres écrits : sur la Poésie et son histoire, 1855, sur Goethe et ses œuvres, sur l’Histoire de la littérature allemande, 1856. Si l’on se borne à apprécier d’après un simple coup d’œil général, sa manière, ses mérites et ses défauts, on reconnaît qu’ils sont conformes aux qualités de son esprit et à l’emploi qu’il a su faire de ses facultés. Il y a, dans sa manière d’envisager et de traiter les sujets philosophiques, plus de sagacité que de profondeur. Ce qui frappe chez lui, en général, c’est la justesse et la finesse des aperçus particuliers, des détails et des analyses. Le défaut d’ampleur et de développement, comme celui d’une discussion approfondie, se fait souvent sentir sur les points généraux qui demandent le plus à être traités à fond avec la suite et la rigueur philosophique. Sa clarté habituelle même alors y perd ; le laconisme engendre l’obscurité, sa dialectique est quelquefois embarrassée et subtile. Mais il excelle à traiter les points particuliers. Là, il est très-clair, riche en aperçus et en vues qui lui sont propres. Il sait, par son talent d’exposition,