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d’une forme inférieure, fait passer l’idée à une forme supérieure. Il est comme moment et il entre comme ingrédient dans les formes les plus élevées et les plus compliquées : le sublime, le tragique, le comique, l’humour, etc. Dès lors, on le voit, surgissent une multitude de problèmes qui n’avaient été jusqu’ici qu’entrevus, et qui maintenant se révèlent clairement ; ils réclament une solution philosophique, précise et particulière. Ainsi, on se demandera, par exemple, quelle est la vraie place du laid dans son rapport avec le beau lui-même, avec le sublime, le tragique et le comique, etc. Tous les esthéticiens de cette école s’en préoccupent et chacun les résout à sa manière. Les discussions les plus spéciales de la philosophie de l’art ramènent sans cesse cette question du laid dans les représentations de chaque art en particulier, à ses degrés et dans ses espèces.

Il n’est pas surprenant qu’on ait cherché ensuite à réunir ces résultats, à en faire un corps de doctrine. L’esthétique du laid s’est ainsi fondée et elle a son représentant dans cette école.

Ce n’est pas que son chef ait entrepris lui-même cette tâche. Il semble l’avoir laissée à ses disciples. Hegel ne traite la question du laid qu’en passant et comme accidentellement dans son esthétique[1]. Mais il a posé le principe et fixé la méthode. À côté de lui, et avant lui, déjà un esprit indépendant mais qui adopte sa méthode et raisonne selon son principe, Chr. Weisse[2] traite du laid tout à fait spécialement ; il lui assigne une place déterminée entre le sublime et le comique, et lui consacre un long article. Il va jusqu’à l’identifier avec le beau, comme forme immédiate du beau, nécessaire à son développement[3]. Th. Vischer ne va pas aussi loin. Le laid n’est pour lui qu’une forme de transition, non un moment essentiel. Mais dans sa systématisation des formes du beau, le laid apparaît partout ; il le traite avec un soin particulier à tous les degrés de sa théorie du beau, dans la nature et dans l’art, et dans les arts particuliers. — Arnold Rage[4], un autre hégélien, dans sa Théorie du comique, n’est pas moins explicite sur le laid. Enfin, K. Rosenkranz a eu l’idée d’en faire un traité particulier, où le problème détaché de l’ensemble de la science, est envisagé en lui-même sous toutes ses faces. Les formes du laid y sont analysées et classées, se distribuent selon la méthode ou la dialectique hégélienne, et s’organisent en système.

Avant d’examiner ce travail, qu’on nous permette de jeter un coup

  1. Voy. notre trad. 2e édit., t. I, p. 80. Détermination de l’idéal, p, 224. De l’art romantique, t. II, du tragique, du comique et de l’humour.
  2. Syst. der Æsthetik, p. 175 et suiv.
  3. Æsthetih oder Wissenschaft des Schônen, t. I, p. 247 et suiv.
  4. Neue Vorschule des Æsthetik, p. 434.