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par exemple, du ridicule et du comique. La part que le laid prend nécessairement dans les représentations de l’art à tous ses degrés est frappante. Elle n’est souvent pas moindre dans le tragique le plus élevé que dans le comique le plus bas ou qui s’adresse à un goût peu difficile à satisfaire. Ce n’est pas seulement le terrible, c’est l’affreux, le hideux, l’horrible qui s’offrent à côté du sublime et du beau, dans les plus grandes œuvres de l’art, dans celles de Shakespeare ou de Dante.

La manière dont le laid doit y être représenté comporte sans doute des règles, et celles-ci, bien que générales, doivent varier selon les arts, les genres et les formes diverses. Si, de plus, on considère l’art dans son développement historique, on remarque aisément que le laid occupe dans l’art romantique ou moderne une place beaucoup plus grande que dans l’art ancien ou classique. D’où vient cette différence ? Jusqu’où l’art, même ici, peut-il aller dans la représentation du laid, sans violer ses propres lois ? Doit-il être représenté en lui-même et pour lui-même ? À quelles conditions doit-il être soumis pour ne pas dépasser sa mesure ? Il doit y avoir aussi, sous ce rapport, des différences entre les arts. En quoi consistent ces différences ? N’y a-t-il pas des règles propres à guider le talent et à l’empêcher au moins de s’égarer ? N’est-il pas bon que la critique elle-même les connaisse, si elle veut motiver et éclairer ses jugements ? On voit combien ce problème a d’importance et comment il se complique ou se ramifie. Enfin, n’y eût-il à l’agiter qu’un intérêt de simple curiosité scientifique, on ne saurait s’en dispenser. Il importe, à n’envisager que le côté théorique ou spéculatif, que l’on sache ici, comme pour les maladies soit physiques, soit morales, ce qui constitue le mal qui sans cesse est à côté du bien, qu’on distingue et qu’on étudie ce qui est anormal comme ce qui est normal. On doit se demander en quoi consiste la nature du laid, sa raison d’être et ses causes, quelles sont ses différentes formes dans les objets de la nature et les œuvres de l’art. Ces formes, la science doit les décrire et les analyser ; elle doit essayer de les classer ou de les coordonner, afin d’en donner une théorie précise qui offre un tout régulier et un vrai système.

Il serait curieux de voir commentée problème s’est posé, et peu à peu s’est introduit dans la science, d’en retracer, en quelque sorte, le développement historique. Ce n’est pas un des chapitres les moins intéressants et les moins importants de l’histoire de cette science que plusieurs s’obstinent à nier ou que l’on dit n’avoir fait jusqu’ici aucun progrès. On y trouverait une réponse facile et claire, sur ce point particulier, à ses détracteurs. Nous n’en dirons que ce