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analyses. — h. joly. L’homme et l’animal.

raison et ses formes qui ajoutent aux sensations associées la « croyance objectivante ». Quant à ces formes rationnelles on peut y voir, si l’on veut, l’empreinte creusée dans l’organisme de chaque individu par les expériences accumulées de l’espèce entière, — mais à la condition d’admettre au point de départ un principe intelligent doué de virtualités spéciales, et de limiter l’évolution intellectuelle au développement d’un type humain primitif s’accomplissant parallèlement aux évolutions animales. Cette hypothèse, ainsi limitée, offre sur l’hypothèse d’une évolution unilatérale, partie d’un seul prototype vivant, deux avantages : elle ne prête pas une puissance de perfectionnement vraiment miraculeuse à l’hérédité, dont le rôle généralement conservateur est plutôt de propager les caractères spécifiques et de restreindre ou de stériliser les variations individuelles ; et elle ne va pas se perdre dans l’obscurité d’une détermination originaire absolument simple, si voisine de l’indétermination absolue. Ainsi la raison est la forme même de l’évolution psychologique de l’espèce humaine. Elle s’identifie, d’autre part, avec l’activité personnelle qui se manifeste dans le fait original et irréductible de la conscience du moi. Par la conscience du moi, elle amène à la clarté de la réflexion les désirs obscurs, les sensations inconscientes, les actions instinctives qui surgissent incessamment de l’organisme, et qu’elle cherche à se subordonner, il est vrai, sans y réussir toujours[1]. Mais ce conflit lui-même entre la pensée et les éléments sur lesquels elle s’exerce, loin de prouver que la conscience sorte de l’inconscience, révèle la présence dans l’homme, au sein des activités organiques qui constituent son corps, d’une activité supérieure substantiellement une et essentiellement intelligente qui constitue son âme (pp. 183-279).

Il reste à conclure. C’est ce que fait M. Joly, en s’inspirant, nous dit-il, de ce qu’il y a de meilleur dans la philosophie évolutionniste. « Armé de cette méthode, nous dirons : si tout travaille à maintenir l’animal dans l’état de conscience passive, irréfléchie et obscure que ses actes nous révèlent, si la loi de l’homme est, au contraire, d’arriver par le développement de son activité personnelle et réfléchie à une conscience de plus en plus lumineuse, ces deux consciences, celle de l’animal et celle de l’homme, ne sont pas des degrés d’une même conscience, et si quelquefois l’une succède à l’autre, on ne peut pas dire sans absurdité que l’une sorte de l’autre. » (p. 266)


IV. Malgré cet appel à la méthode évolutionniste, la conclusion est-elle bien justifiée ? Démontrer qu’il n’y a pas eu passage historique des formes de la vie animale aux formes de la vie humaine est une tâche malaisée pour tout le monde, mais particulièrement ingrate pour le philosophe qui fait profession de métaphysique. Il faudrait, en effet,

  1. Comme on le voit, l’auteur revient ici sur cette thèse évidemment exagérée de la 1re partie qu’il n’y a pas de place pour l’instinct dans la vie humaine. (Cf. pp. 259-265).