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dans les quatre procédés suivants : 1° analyse psychologique de la nature humaine, 2° construction ou synthèse de l’animal intérieur à l’aide des éléments empruntés à notre conscience ; 3° étude de la constitution physique des animaux pour guider et rectifier la synthèse psychologique ; 4° diverses sortes d’expérimentations plus ou moins directes (pp. 32-33-34). Il semble que, bien entendue, cette méthode donnerait la science. Elle revient en somme à celle que les maîtres de la psychologie objective ont substituée à la pure observation de conscience de la psychologie séparée, comme on la comprenait autrefois dans l’école écossaise et dans l’école éclectique : — l’étude des fonctions organiques servant de base et de support à l’étude des facultés psychiques, l’observation des actions et des mœurs dirigeant et vérifiant l’analyse mentale. Or ces propositions, qu’on a pu contester quand il s’agit de l’homme, sont incontestables quand il s’agit de l’animal. En effet, ce que nous savons du moral des animaux, c’est uniquement ce que nous en apprennent leurs actes et leurs fonctions physiques. La conscience fournit, si l’on veut, les matériaux de la synthèse psychologique. Mais il appartient au naturaliste de les répartir diversement dans la série des espèces et de faire la synthèse elle-même. Donc les observations de la zoologie et les expériences de la physiologie comparée composent le vrai fonds de la science dont le progrès se mesurera à l’abondance des faits observés. M. Joly l’entend-il ainsi ? Non, sans doute. Les promesses de sa méthode permettraient d’espérer un recueil d’observations savamment analysées et classées ; ses intentions nous annoncent plutôt une étude générale et purement philosophique. Voyons ce que le livre a tenu.


II. On peut y distinguer deux parties : l’une consacrée à la psychologie de l’animal et l’autre à la psychologie de l’homme ; l’une toute inspirée des théories de l’école associationniste, et l’autre destinée à combattre les conclusions de cette école. Et, chose curieuse, c’est la première, riche en bonnes pages de psychologie, qui est la mieux traitée et la plus intéressante.

Première partie : La thèse de M. Joly peut se ramener aux deux points suivants. L’animal n’a que des instincts sans intelligence, l’homme n’a que de l’intelligence sans instincts ; l’instinct suffit à expliquer toutes les actions de l’animal, l’intelligence toujours présente dans l’homme réduit à une place insignifiante les prétendus instincts qu’on s’obstinerait à lui attribuer (p. 154 et suiv.). Thèse excessive, semble- ; t-il, et si contraire à l’opinion commune que dernièrement un sage académicien[1] ne pouvait s’empêcher de blâmer doucement M. Joly de sa partialité pour l’homme, et plaidait contre lui la cause des bêtes avec infiniment d’esprit. Thèse très-ordinaire au fond — du moins en ce qui touche l’animal, — et tout à fait classique, si l’on exa-

  1. M. Bersot.