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parties au lieu d’étudier celles-ci séparément. À travers des discussions épisodiques où nous ne pouvons le suivre, il aboutit à cet te définition, ou si l’on préfère, à cette conclusion : « La vie est l’activité fonctionnelle d’un organisme en rapport avec son milieu, et résultant de la synthèse de trois termes : structure, aliment, instrument. C’est la somme des fonctions qui sont les résultantes de la vitalité ; la vitalité étant la somme des propriétés de la matière à l’état d’organisation »[1].

Dans le cours de cet essai sur la nature de la vie, l’auteur a exposé une théorie qui lui est propre et qui consiste à étendre aux tissus et aux organes, l’hypothèse du struggle for life et de la sélection naturelle que Darwin limite aux organismes, aux individus. Le principe de la lutte pour la vie, dit M. Lewes, ne doit pas être restreint à l’antagonisme d’êtres rivaux ; il faut l’appliquer aussi à l’antagonisme des tissus et des organes. L’existence d’un organisme ne dépend pas seulement de l’existence extérieure d’autres organismes ; il est lui-même le résultat final d’une lutte. Si, en effet, nous examinons comment se forme l’organisme, nous verrons que chaque organite, chaque tissu a en lui-même une puissance de développement et d’extension indéfinie : mais son développement réel est rigoureusement limité par la compétition et l’antagonisme des autres qui, eux aussi, quoiqu’ils comportent en puissance un développement indéfini, ont en réalité des limites. Le développement harmonieux de l’organisme est donc, en fait, le résultat d’une compétition de tous les instants entre les tissus constitutifs. Y a-t-il usurpation d’un tissu sur un autre ; aussitôt il se produit un trouble dans l’équilibre normal ; l’état devient pathologique. Ainsi le développement exagéré du tissu conjonctif dans le cerveau s’accompagne souvent de paralysie générale : et l’on admet qu’un certain nombre de cancers sont dus à une prolifération du tissu épithélial qui ne serait plus limité par son antagoniste normal, le tissu conjonctif.


Nous n’insisterons pas sur la seconde partie de l’ouvrage consacrée au mécanisme nerveux. C’est une de ces expositions lucides et agréables que l’auteur s’entend si bien à faire. Elle est d’ailleurs au courant des plus récents travaux et elle nous offre, groupés en une centaine de pages, bon nombre de faits et de documents qu’on aurait grand peine a chercher dans les recueils spéciaux. — Dans cet expose, ce qui est propre à l’auteur, c’est sa réaction perpétuelle contre la tendance analytique qui prévaut actuellement en physiologie et « qui va si loin que, même dans le processus nerveux, les organes sont négliges pour le tissu nerveux et le tissu nerveux pour la cellule-nerveuse. » Il combat

  1. On trouvera §§ 31-39, une intéressante revue des diverses définitions de la vie. M. Lewes, en 1853, l’avait définie : « Une série de changements ; définis et successifs, à la fois dans la structure et la composition qui on lieu dans un individu, sans détruire son identité. »  » Il trouve actuellement cette définition trop étroite.