Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
analyses. — lewes. Base physique de la vie.

pénétrer progressivement dans le domaine de l’inconnu la sûre méthode du savant. C’est une tentative de cette espèce que l’auteur nous paraît faire dans ce nouveau volume : de l’étude sur les conditions générales de la philosophie, il passe à l’examen d’une question particulière : celle de la vie.

L’ouvrage se divise en quatre parties consacrées à la nature de la vie, au mécanisme nerveux, à l’automatisme animal et à la théorie des actions réflexes. Ce volume est lui-même l’introduction à un ouvrage prochain qui aura pour objet les fonctions du cerveau dans leurs rapports avec les processus psychologiques.

Tout problème de l’esprit, dit l’auteur, dès le début de sa première partie, est en même temps un problème de la vie. L’esprit ne se manifestant jamais que dans un organisme vivant, c’est une nécessité pour nous de trouver les conditions matérielles de tout fait mental. « Par suite la connaissance des principes généraux de l’organisme et de ses fonctions est indispensable au psychologue. Ce fait n’a cependant été reconnu que dans ces derniers temps, si bien que des hommes ignorant profondément ce qu’est l’organisme, n’ont aucunement hésité à faire des théories sur ses plus hautes fonctions. En disant que cette connaissance est indispensable, je ne veux pas soutenir qu’en son absence, on ne puisse comprendre beaucoup des résultats obtenus par les observateurs ou faire soi-même des observations et des classifications utiles des faits psychologiques mais l’absence d’une base scientifique rend cette connaissance fragmentaire et incomplète. » (P. 2, 1re  partie.)

Ce premier essai sur la nature de la vie est surtout destiné à montrer que, dans toute étude biologique, ce qui doit prévaloir ce sont les considérations synthétiques. L’analyse résout la vie en processus physiques et chimiques : soit ; mais il ne faut pas en conclure que ces processus se passent en réalité dans l’organisme de la même manière que hors de l’organisme. Le processus réel est toujours un processus vital qui doit être expliqué par la synthèse de toutes les conditions coopérantes. On a une tendance fâcheuse à confondre les organismes, c’est-à-dire un complexus d’actions vitales avec un mécanisme, c’est-à-dire avec un ensemble d’actions physiques et chimiques. À ce compte, on pourrait soutenir que le canard de Vaucanson était réellement vivant. Un organisme et une machine n’ont qu’une ressemblance superficielle ; il y a dans les deux un assemblage de parties ; mais dans l’organisme, il y a plus qu’une juxtaposition, il y a une solidarité provenant de ce que toutes les parties résultent de la différenciation d’une substance commune ; de ce qu’au lieu d’être simplement assemblées, comme dans une machine, elles sont sorties de l’évolution de quelques parties préexistantes et que par suite chaque partie coopère à l’existence des autres.

Le caractère fondamental, essentiel de l’être vivant : tel est le point que M. Lewes s’est proposé tout d’abord de mettre en lumière. On comprend que la méthode synthétique seule y soit propre ; puisque, seule, elle s’attache à la considération du tout et des rapports réciproques des