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sans doute du perfectionnement physiologique et psychologique du système nerveux : mais il ne faut pas oublier qu’ici « l’activité téléologiquement consciente de l’esprit, animal ou humain…, est le moteur du processus » (119).

La sélection sexuelle est une loi découverte par Darwin comme la sélection naturelle. La première agit dans le sens de la reproduction ; la seconde, dans le sens de la conservation de la vie des individus. La variabilité, l’hérédité et la concurrence ne sont pas des facteurs moins nécessaires dans un cas que dans l’autre. Mais les difficultés se compliquent pour la sélection sexuelle. « Il faut admettre une tendance héréditaire limitée à un sexe ; il faut supposer aussi probablement, d’après la relation étroite rappelée plus haut entre la variabilité et l’hérédité, une tendance à la variation, limitée également à un seul sexe. — Nouvelle preuve contre le hasard mécanique et en faveur de la variabilité suivant un plan défini. » (122) La sélection sexuelle, comme la sélection naturelle, n’est qu’un principe auxiliaire, un expédient technique, mis au service de la loi d’évolution interne, qui préside à la production des formes et des perfections esthétiques de l’organisation. La tendance inconsciente vers le beau, dont se complique l’instinct de la préférence sexuelle, est évidemment un principe psychique. Darwin enfin termine son grand ouvrage sur la sélection sexuelle par l’aveu important que l’homme et les animaux présentent, des organes qui ne peuvent s’expliquer « par aucune forme de sélection », ni naturelle, ni sexuelle, ni par l’utilité individuelle, ni par l’intérêt des relations sexuelles.

La seule forme sous laquelle le Darwinisme ait admis expressément jusqu’ici la loi d’évolution interne, c’est le principe de « corrélation de croissance et des modifications sympathiques ». Par la reconnaissance de cette loi, le Darwinisme renverse ses principes mécaniques. Il renonce « à concevoir le type comme une sorte de mosaïque assemblée par le hasard des événements. »

Il faut donc, en définitive, admettre la « théorie de l’évolution organique… Elle embrasse tous les éléments du Darwinisme ; mais elle les subordonne, comme des auxiliaires purement mécaniques, à la loi d’évolution » (144).

Reconnaissons, d’ailleurs, que Darwin n’a jamais méconnu ou dissimulé les lacunes de son système. Il était réservé à Hæckel, plus darwinien que Darwin lui-même, de soutenir que Darwin « a été le Newton, considéré par Kant comme chimérique » (147), qui a résolu le problème d’expliquer mécaniquement la formation d’un brin d’herbe.

M. de Hartmann résume en quelques pages les vues de Kant sur la question de l’évolution des espèces, et n’a pas de peine à montrer, comme Schultze, par exemple, que Kant est le véritable précurseur de la doctrine de la descendance ; qu’il en a pressenti les conquêtes, sans en partager les illusions. Hartmann montre très-bien que Kant n’est pas resté, comme Hæckel le lui reproche à tort, dans le dualisme